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29 décembre 2017 5 29 /12 /décembre /2017 22:01

Un récent article de Roger-Pol Droit, philosophe et chroniqueur au Monde des livres, aux Échos, au Point, à Clés, intitulé "Tu as vu ? l'École s'effondre..." sonne l'alarme : les résultats des jeunes Français de CM1 sont en baisse au dernier classement PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) publié le 5 décembre 2017 par l'IEA. Créé en 2001, ce classement évalue tous les 5 ans les compétences en lecture et en compréhension de textes des jeunes de 50 pays.

 

Depuis 2001, le déclin des jeunes Français est régulier ; alors que la plupart des pays présentent des résultats stables ou en amélioration, le score français est en baisse continue depuis 2001 : 525 en 2001, 522 en 2006, 520 en 2011 et 511 en 2016 et la chute s'accélère. En parallèle, ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats, la Russie et Singapour ont progressé le premier de 528 à 581 et le second de 528 à 576, entre 2001 et 2016. Sauf exception (notamment la Belgique), les pays d'Europe et d'Amérique du Nord obtiennent des scores réguliers dans la fourchette 537-555, toujours supérieurs à la France, la Finlande se distinguant par des scores supérieurs à 560.

 

Un grand soin parait avoir été apporté à cette étude : pour chaque pays, les échantillons représentatifs ont été d'environ 4 000 élèves de 150 à 200 écoles. Au total, 319 000 élèves, 310 000 parents et 16 000 enseignants ont participé. Au delà de produire la meilleure information possible pour améliorer l'enseignement et l'apprentissage de la lecture, l'objectif de PIRLS est d'aider les jeunes élèves à devenir des lecteurs accomplis.

 

L'IEA ?

 

L'IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement (*)) est une association de droit belge, dans laquelle coopèrent des instituts de recherche, des ministères de l'éducation, des enseignants et des analystes de plus de 60 pays dont les pays d'Europe, la Russie, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, le Japon, Singapour, l'Arabie Saoudite, les pays du Golfe, etc. L'objet de l'IEA est l'étude, la compréhension et l'amélioration de l'éducation dans le monde entier. Depuis 1958, l'IEA conduit à travers le monde, des études comparatives des systèmes scolaires et de la maîtrise des élèves dans les domaines des maths, de sciences, de la lecture, de l'éducation civique, de l'informatique.
Son siège est à Amsterdam et son centre de recherche d'une centaine de spécialistes à Hambourg.

Chaque membre institutionnel est responsable a) du financement des études dans son pays et de la contribution du pays à l'activité de l'IEA et b) de la diffusion des résultats des études auprès des politiques, des chercheurs et des éducateurs.

Le membre pour la France est le ministère de l'éducation nationale. Je remarque que, par exemple, le membre finlandais est le Finnish Institute for Educational Research à l'Université de Jyväskylä et le membre allemand, l'Institut allemand de recherche internationale en éducation.

 

J'observe qu'il n'y aucun Français parmi les experts de l'IEA, les membres du comité permanent, du groupe technique opérationnel et du comité des publications, pas plus que parmi les membres honoraires. Il semble que le ministère considère les enquêtes PISA dont on parle ci-dessous, comme étant une meilleure référence.

Les études de l'IEA visent à évaluer l’acquisition de connaissances fixées par les programmes scolaires, alors que les enquêtes PISA évaluent les compétences ou aptitudes jugées nécessaires pour mener une vie d’adulte autonome. On peut donc considérer que les enquêtes PISA seront plus affectées par l'environnement social des élèves que les études de l'IEA d'où des différences importantes selon l'origine des élèves ...

 

Et les résultats de TIMMS ?

 

En novembre 2016, ont été publiés les résultats d'une autre étude de l'IEA : TIMMS (Trends in Mathematics and Science Study), qui évalue les performances des élèves de 8ème (9-10 ans, "grade 4"), de 4ème (13-14 ans, "grade 8") et de terminale (Advanced) en mathématiques et en sciences, tous les 4 ans depuis 1995.

Il est plus difficile de comparer les résultats entre pays qu'avec PILS, car la participation varie d'une étude à l'autre ; ainsi en 2015, la France a participé à TIMSS grade 4 avec 48 autres pays et à TIMSS Advanced avec 9 autres pays seulement.

Pour TIMSS grade 4, la variabilité des scores est très supérieure à celle observée avec PILS : de 353 (Koweit) à 618 (Singapour). Avec 488, la France est la lanterne rouge des pays européens qui ont en moyenne un score de 526, le score moyen global de TIMMS étant de 500. Les 5 pays d'Asie orientale du classement (Singapour, Hong Kong, Corée du Sud, Taïwan, Japon) se détachent des autres pays par plus de 20 points !

L'an dernier, lors de la publication des résultats, les politiques français se sont rejetés les uns sur les autres la médiocrité de ces résultats, notamment sur ces fameux programmes que l'on refait périodiquement, désorganisant le système.

En fait TIMSS a clairement identifié un problème majeur de l'enseignement des maths à l'École primaire : c'est la façon d'enseigner les maths qui est en cause ; les enseignants français avouent être beaucoup moins à l'aise en maths ou sciences que leurs collègues européens et ceci particulièrement en ce qui concerne la compréhension ou l‘aide à apporter aux élèves.

Ne faudrait-il pas regarder du côté de la formation des maîtres ?

 

Et bonne chance à Cédric Villani et à Charles Torossian, inspecteur général de l'éducation nationale, à qui le ministre Jean-Michel Blanquer a confié le 19 octobre 2017, une mission pour améliorer l'enseignement des maths !

 

Et PISA ?

 

PISA (Programme for International Student Assessment (**)) est une enquête internationale organisée par l'OCDE depuis 2000, tous les 3 ans et dont le but est d'évaluer les systèmes scolaires dans le monde entier en faisant passer des tests de compétences et de connaissances aux élèves de 15 ans. Comme pour la plupart des membres de l'IEA, ce sont les ministères de l'éducation qui prennent en charge les enquêtes de leur pays et contribuent au financement de l'organisation internationale de PISA.

En 2015, le dernier test a été passé par 540 000 élèves de 72 pays (dont 6 000 Français), dans les domaines de la science, des maths, de la lecture, de la capacité à traiter des problèmes en groupe et des connaissances financières.

En maths, les résultats des élèves français sont en baisse depuis le début des enquêtes : 511 en 2000, 495 en 2012, 493 en 2015.

PISA met particulièrement en avant que le système scolaire français est le plus inégalitaire de l'OCDE : ainsi en sciences, 118 points séparent le résultat de l’enfant de milieu favorisé (558) de celui d’origine très modeste (441) dans PISA 2015.

 

PISA, PILS et TIMMS : des résultats similaires

 

Bien que comme on l'a noté plus haut, les enquêtes PISA, PILS et TIMMS ne visent pas à évaluer les mêmes éléments (d'un côté les compétences ou aptitudes jugées nécessaires pour mener une vie d’adulte autonomes, de l'autre les acquis scolaires) elles sont complémentaires en ce qu'elles s'adressent à des élèves d'âges différents (respectivement 15, 10 et 10-14-18 ans), pour l'essentiel dans les mêmes domaines : science, maths et lecture. Le fait que ces études donnent des résultats similaires pour la France ne fait que confirmer la situation médiocre de l'École française.

 

Que faire ?

 

Longtemps les résultats de ces enquêtes n'ont pas vraiment été traités en France. Depuis 5 ans, les media s'en sont emparés, obligeant les politiques à réagir. En parallèle, leur sérieux n'est plus contesté.

 

Il semble que notre nouveau ministre de l'Education Nationale soit conscient de la situation et de l'urgence d'un redressement.

Plusieurs étapes paraissent avoir déjà été franchies comme l'abandon de la méthode globale d'apprentissage de la lecture et le retour à la méthode syllabique ...

La mission de Cédric Villani sur l'apprentissage des maths devrait déboucher sur un plan d'amélioration de la formation des maîtres pour enseigner les maths à l'École primaire.

 

Dans de nombreux pays, il apparait qu'on sait maintenir ou améliorer la qualité globale de l'enseignement, tout en permettant aux élèves en difficulté de progresser. C'était l'objectif du ministre Jean-Pierre Chevènement quand il a fixé l'ambition de porter 80% de chaque classe d'âge au niveau du bac. Cet objectif a été complètement manqué : le niveau du bac a baissé progressivement à un point que ce diplôme n'a plus guère de rapport avec ce qu'il était dans les années 80. Cette constatation ressort notamment de l'étude récente "Crise de l'École française" de l'Institut Diderot.

C'est certainement le facteur structurel qui doit être corrigé avec le plus d'énergie.

 

(*) Association internationale pour l'évaluation des performances scolaires

(**) Programme d'évaluation internationale des élèves

 

 

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