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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 09:10

La rédaction du journal Les Echos vient de décerner son prix spécial du stratège PME à Jean-Guy Le Floc'h, PDG d'Armor-Lux. Armor-Lux est un acteur un peu exceptionnel dans le paysage désertifié de la confection textile française : elle continue de fabriquer en France, à Quimper et à Troyes, des tee-shirts, des pulls, des cabans, des bonnets et d'autres vêtements qui la distinguent par leur inspiration marine.

Fondée en 1938 à Quimper par le suisse Walter Hubacher sous le nom de la Bonneterie d'Armor, elle est reprise en 1993 par Jean-Guy Le Floc'h, ingénieur de Centrale Paris, et Michel Gueguen, qui ont promis aux employés de l'époque qu'ils maintiendraient leur emploi. Ils ont tenu parole : il y a toujours 380 salariés dans les deux usines de Quimper et 40% de la fabrication est réalisée en France, essentiellement les deux collections de 1500 modèles qui sortent chaque année. Pour rester compétitif sur les produits courants, ces derniers sont fabriqués par des sous-traitants au Maroc, en Tunisie et en Bulgarie.

 

Le challenge dans ce domaine de la confection est particulièrement difficile : 60% à 90% du coût des produits sont en main d'oeuvre et les coûts horaires sont de 0,31 € au Bangladesh, 1,60 € en Chine, 2,90 € au Maroc et 30 € en France … Comment Armor-Lux s'en sort-elle ?

 

D'abord un élément important : lors de la reprise, et par la suite, notamment lors de l'institution des 35h, les dirigeants se sont efforcés de maintenir la cohésion sociale et la pérennité de l'emploi, parfois au prix de baisses de rémunération.

 

En 1993, le chiffre d'affaires était de 19 M€ essentiellement avec des sous-vêtements. Selon J-G. Le Floc'h, « alors que se profilait un début de mondialisation accrue, il était nécessaire d'élargir le périmètre de l'entreprise. Heureusement, nous avons eu le temps de changer de fonctionnement. » Afin d'effectuer cette évolution de la gamme des produits, il a multiplié les rachats d'entreprises : les pulls en laine de Guy de Bérac à Troyes dès 1993, les pulls celtes de Britain Stock en 1995, les vêtements techniques de protection de Bermudes à Nancy en 2002, Cam (Compagnie angevine de la maille) et Diftex en 2004 (marques Chairman, Lepoutre et Tricomer). En parallèle, des gammes associées à de nouvelles marques sont lancées : Terre et Mer s'adressant aux femmes en 1994, Armor-Kids pour les 3-14 ans en 1997, Armor-Baby pour les 3-24 mois en 1999, puis en 2005 des produits en coton équitable

labellisés Fairtrade / Max Havelaar.

L'accent est mis sur la créativité et l'innovation-produit, passant de 300 à 400 nouveaux modèles par an au milieu des années 90, à 1500 par an aujourd'hui, grâce à un bureau d'études de 30 personnes et la collaboration de stylistes extérieurs.

 

Une nouvelle diversification a été introduite en 2004 avec les vêtements d'image pour les grandes entreprises et les services publics : La Poste confie à Armor-Lux l'habillement de ses 130.000 agents en contact avec la clientèle ; puis en 2007, ce sont les nouvelles tenues des personnels de la SNCF et Aéroports de Paris et en 2008, celles de la Police nationale. Armor-Lux a eu aussi pour clients la compagnie aérienne Bretonne Brit Air ou encore EDF. Et derniers en date, pour la campagne présidentielle, les parties politiques, le Modem, l'UMP et le PS ont commandé les tee-shirts en coton de leurs militants, qui ont été tricotés, teints et confectionnés à Quimper.

 

En aval, Armor-Lux a cherché à renforcer son image auprès du grand public et la promotion de ses produits en multipliant les ouvertures de magasins en propre dans toute la France. Ces boutiques sont maintenant au nombre de 40 dont la moitié en Bretagne, réalisant des ventes de 25 M€. La montée en gamme et l'identification forte avec le monde marin et de la voile, permet le développement de l'exportation en Belgique, Allemagne, Amérique du Nord et au Japon (5M€ en 2011).

 

Un effort particulier est mis sur la qualité, en particulier en pratiquant un audit permanent des fournisseurs et sous-traitants dans les pays émergents : Inde, Maghreb, Europe de l'Est. Des investissements importants ont été réalisés, notamment la nouvelle usine de production et de logistique à Quimper qui assure les livraisons directes de vêtements d'image sur les sites de travail des clients.

 

Il y a maintenant 550 salariés dans le groupe et le chiffre d'affaires 2011 a été de 82 millions € (comparé à 19 millions € en 1993) avec 5 millions € de résultat net : une multiplication par 4,3 des ventes en 18 ans de marche forcée, dans un secteur « sinistré » ; tout ceci grâce à un cocktail stratégique composé de : l'élargissement et la montée en gamme de produits sans cesse renouvelés, l'investissement dans l'image et la distribution, l'amélioration des capacités de production en France et le recours sélectif à des sous-traitants dans les pays à bas coûts.

 

Il est certain que, pour Armor-Lux, le gros potentiel réside maintenant à l'international. Une toute nouvelle ligne haut de gamme « héritage » vient d'être lancée, destinée à ces marchés. J-G. Le Floc'h n'a pas dévoilé ses objectifs lors de la remise du prix des « Echos ». Mais on peut imaginer qu'il vise un doublement des ventes en dix ans grâce à l'international. A quand l'ouverture d'un magasin à New York, à Newport (Rhode Island), à San Diego, …. à Tokyo et pourquoi pas à Shanghaï et à Pékin ?

 

Et pour conclure, les deux associés J-G. Le Floc'h et Michel Gueguen qui détiennent 74% du capital, ont récemment annoncé qu'ils n'avaient pas l'intention de céder leur affaire, que deux de leurs enfants sont impliqués dans Armor-Lux, et qu'ils feraient en sorte que le groupe reste familial.

 

* ETI : entreprise de taille intermédiaire entre PME et grande entreprise, 250 à 4999 salariés.

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