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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 21:22

Pour le profane, une entreprise sous LBO (leverage buy out ou achat avec effet de levier) c'est analogue à une maison ou un appartement que l'on achète en partie avec ses économies et en partie avec un emprunt bancaire. Ce mode de financement est quasiment universel dans le domaine immobilier et ne présente la plupart du temps pas de difficultés, notamment dans le cas où le bien est loué par l'acheteur, le remboursement de l'emprunt s'effectuant avec le loyer payé par le locataire. Bien sûr, tout se passe bien si les revenus du locataire sont réguliers et suffisamment élevés pour payer le loyer.

 

Dans le cas de l'entreprise et du LBO, en prolongeant l'image du bien immobilier, on peut expliquer que le propriétaire c'est-à-dire l'actionnaire, perçoit un « loyer » de la part de l'entreprise sous la forme de dividendes. L'actionnaire a pu acheter l'entreprise avec une partie financée par un emprunt, les dividendes servant au remboursement de l'emprunt et l'autre partie étant financée par ses « économies » c'est-à-dire, en langue financière, des fonds propres. Deux différences essentielles rendent le LBO plus compliqué que l'achat d'immobilier : 1) la durée des emprunts est de 5 à 7 ans soit 3 à 5 fois plus courte que dans l'immobilier, d'où des annuités de remboursement plus élevées et 2) les résultats de l'entreprise sont beaucoup plus irréguliers que es revenus du locataire du bien immobilier.

 

La « mauvaise réputation » dont souffrent les LBO's vient plutôt du fait que, dans l'inconscient populaire, il ne paraît pas normal que l'on puisse prendre possession d'une entreprise souvent importante avec une dette élevée et peu de capitaux propres. C'est pourtant comme cela que de très nombreux ménages deviennent propriétaires de leur logement ! Que pour le LBO, les intérêts de la dette soient déductibles de l'impôt sur les sociétés et non pour les achats immobiliers des particuliers, change peu les termes du processus. Un autre motif de mauvaise réputation est qu'il arrive que le versement de dividendes pour assurer le remboursement de la dette se fasse au détriment des investissements et donc du développement de l'entreprise sous LBO.

 

Comment les LBO ont-ils passé la crise ?

 

Avec une structure financière fragilisée par de la dette, les entreprises sous LBO devaient, dans l'esprit de nombreux observateurs, beaucoup souffrir pendant la crise de 2008-2009. Et pourtant, la presse n'en a pas parlé et les entreprises en difficultés qui ont fait la une des nouvelles, n'était pas sous LBO. En fait les entreprises sous LBO ont globalement bien passé la crise. Par exemple, le fonds LBO France qui gère 3,8 milliards € dans 27 entreprises, n'a eu qu'un seul dépôt de bilan, celui de la société Eryma. A cela deux explications : a) avant de mettre en place un LBO sur une société, les futurs actionnaires la sélectionnent sur ses atouts et performances dans tous les domaines commercial, gestion, gouvernance ; la trésorerie de l'entreprise est ensuite pilotée avec une grande rigueur afin de faire face aux obligations de remboursement ; b) si l'entreprise rencontre des difficultés de remboursement, les banques ont, pendant la crise, très généralement accepté simplement de renégocier le remboursement de la dette.

 

Selon une étude récente de l'ARE (Association pour le Retournement des Entreprises), 40% des LBO ont fait l'objet d'une renégociation en Europe et 51 milliards € de crédit ont été renégociés en 2009. Mais le prix à payer par les fonds a été faible : 2 à 6% de la dette a été convertie en fonds propres. Il est avéré que les banques européennes ne souhaitent pas en général devenir actionnaires via une conversion de la dette due à des difficultés de remboursement. En lieu et place, elles préfèrent rééchelonner les paiements.

 

Comment sont gérées les entreprises sous LBO ?

 

Selon Philippe Santini, PDG d'Aprovia qui a été reprise en 2002 par les fonds Carlyle, Cinven et Apax, il y a d'abord un jeu de stress à plusieurs niveaux : les managers de l'entreprise sous LBO doivent pouvoir montrer aux administrateurs du fonds que tout va bien, les fonds doivent pouvoir justifier leur investissement à leurs souscripteurs et enfin les administrateurs des fonds doivent maintenir la confiance des banques qui sont angoissées et craignent de ne pas pouvoir récupérer leur prêt. Quatre principes sont identifiés en matière de gestion d'une entreprise sous LBO : 1) l'espace temps : dès le départ de l'opération, le planning de sortie est fixé, typiquement dans 5 ans l'entreprise sera vendue et le manager sera remercié. Dans cet intervalle limité, il faut comprendre vite comment fonctionne l'entreprise et comment mettre en oeuvre une stratégie claire pour tous ; 2) l'importance des liquidités : il faut à tout prix optimiser les remontées de « cash » pour assurer le remboursement de la dette ; 3) malgré le stress, créer immédiatement un climat de confiance avec les fonds, pratiquer une transparence absolue vis-à-vis des administrateurs, dès le premier conseil d'administration ; 4) enfin arriver à faire comme si l'entreprise n'était pas sous LBO, préserver les investissements en mobilisant typiquement 20 à 25% de l'EBITDA, motiver les équipes en menant à bien les projets de développement.

Finalement, il apparaît que les entreprises sous LBO sont globalement plus performantes que les autres et créent plus de valeur. Ce qui va bien sûr à contre courant de la « mauvaise réputation » qui leur est faite. 

 

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