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31 août 2019 6 31 /08 /août /2019 08:29

La concurrence entre écoles de commerce et de management est toujours plus vive. Pour attirer les meilleurs étudiants, elles s’arrachent les meilleurs professeurs et chercheurs et multiplient les sites pour se rapprocher de la demande de formation et renforcer leur visibilité. Le champ de bataille est désormais mondial. Ainsi l’INSEAD a maintenant 3 campus : Singapour (où se trouve la direction de l’Ecole), Abou Dhabi et Fontainebleau ; l’EMLyon, elle en a 6 : Lyon, Saint-Étienne, Casablanca, Shanghai, Paris, Bhubaneswar ; l’ESSEC en a 4 : Singapour, Rabat, La Défense et Cergy ! Cette débauche d’ouverture de nouveaux sites est assurément très coûteuse.

 

Comment financer cette course ?

 

Certaines écoles : HEC et INSEAD, se sont organisées depuis longtemps pour lever des fonds auprès de mécènes, essentiellement les anciens élèves. Cela a démarré dans les années 80 sous l’impulsion des associations de diplômés, qui avaient à l’époque une vision du développement et de l’avenir de leur école. Ils ont su partager cette vision avec les responsables de leur école, ce qui est tout à leur honneur. Ce mouvement a été tout à fait bénéfique pour stimuler l’esprit de corps des diplômés et les rapprocher de leur école ; cela a assurément contribué à propulser et maintenir ces deux écoles dans le peloton de tête des écoles européennes et même mondiales.

 

On constate que les écoles de commerce françaises qui se positionnent en challenger d’HEC – notamment l’ESSEC et l’EMLyon, et leurs diplômés n’ont pas su se mobiliser aussi tôt. Depuis le début de ce siècle, la pression concurrentielle s’est faite de plus en plus vive et l’importance des financements est apparue de plus en plus évidente. L’ESSEC a annoncé en 2010 un plan stratégique avec pour objectif de lever 150 millions d’euros ; actuellement, elle poursuit le projet campus 2020 qui vise une levée de fonds de 35 millions d’euros. Sur ce budget, 19 millions ont déjà été « consolidés » auprès des collectivités territoriales : subventions du département du Val d’Oise (5 millions €), de la communauté d’agglomération de Cergy (5 millions €), de la région Ile de France (9 millions €). Il reste 16 millions à collecter auprès des alumni, partenaires et étudiants, d’ici fin 2020 !

On notera que la Chambre de Commerce de l’Ile de France dont dépend l’ESSEC n’a pas contribué ; on peut se demander quelle est l’origine des fonds engagés par les collectivités : ressources propres – c’est-à-dire nos impôts, ou des emprunts qu’il faudra rembourser avec le produit des futurs impôts. A priori, ces ressources sont certaines, par contre, compte tenu de la faible dynamique des levées de fonds auprès des alumni, on peut douter que l’objectif de 16 millions soit réalisé avant fin 2020.

 

Du côté de l’EMLyon, la situation paraît plus compliquée. En effet,les projets de levée de fonds depuis plus de 10 ans n’ont pas donné les résultats escomptés et la gouvernance de l’Ecole a été très perturbée avec une succession de plusieurs DG à brève échéance. Fin 2018, une transformation radicale a été lancée avec la création d’unesociété anonyme holdingpropriétaire de l’Ecole (Early Makers group) : l’EMLyons’est ainsi convertie d’une association sans but lucratif en une structurecapable d’attirer des investisseurs et de leur verser des dividendes. Ce n’est pas le premier institut d’enseignement supérieur français qui aitfranchi ce pas. Mais c’est le premier qui soit dans la classe des instituts d’excellence.

Comme en Ile de France, la Chambre de Commerce de Lyon-Saint Etienne,-Roanne est depuis toujours le parrain et le sponsor des écoles de commerce locales, l’EMLyon étant le leader régional et même national hors Ile de France ; comme en Ile de France, elle se trouve à court de moyens pour soutenir son école fétiche.

De plus, on constate que la communauté des diplômés est nettement moins puissante et motivée que celle de l’ESSEC, d’HEC ou de l’INSEAD. A ce titre, l’EMLyon et l’ADEM - l’association des diplômés ont décidé il y a dix ans d’intégrer tous les services et les permanents de l’association dans une structure interne à l’Ecole (EMLyon forever) : cette décision elle aussi assez radicale ne semble pas – au moins jusqu’à ce jour, avoir renforcé les liens entre les diplômés et leur Ecole.

La faiblesse de ces liens a à l’évidence conduit à la transformation en SA afin de faciliter le recours à des financements autres que les contributions de la communauté des diplômés. Cette décision a certainement fait l’objet de débats internes vifs, dynamiques et même polémiquesElle semble une sorte de fuite en avant, avec un abandon de plusieurs valeurs propres à la communauté EMLyon : le reserrement des liens entre l’Ecole et les diplômés, l’indépendance de l’Ecole et les liens forts avec les entreprises. L’ADEM qui n’est plus qu’une coquille vide depuis dix ans, n’en sort pas non plus renforcée.

Au lieu du mécénat proposé aux diplômés et à leurs entreprises, pour financer les projets et le développement de l’Ecole, il s’agit maintenant d’augmentations de capital avec une espérance plus ou moins justifiée de percevoir des dividendes.

 

Tout naturellement, en juin 2019, la prise de participation par deux investisseurs notoires a été annoncée : Qualium Investissement et Bpifrance. Ces deux acteurs s’engageraient à apporter progressivement 100 millions € sur 5 ans en capital. Dans sa communication, la CCI prétend qu’elle accueille un investisseur institutionnel et un investisseur privé. En fait, ces deux investisseurs ont des liens très étroits : BPI est une filiale de la Caisse des Dépôts et Qualium est un fonds filiale de la Caisse des Dépôts. Leurs liens avec l’État et le pouvoir politique sont également évidents, ces organisations apparaissant de plus en plus comme les différentes facettes d’un fonds souverain à la botte depolitiquepubliques. Avec cette transformation et cette prise de participation, il s’agit purement et simplement de l’étatisation rampante de l’EMLyon. Cela ne poserait pas de problème si ces investisseurs étaient les plus qualifiés du monde pour accompagner un établissement d’enseignement supérieur de classe mondiale. Mes lecteurs apprécieront. L’annonce de juin 2019 indique que le capital sera ouvert aux salariés de l’Ecole et aux diplômés (avec des attentes pleines d’interrogation).

Compte tenu des caractéristiques de la nouvelle situation, je doute sincèrement que les diplômés fassent montre d’un enthousiasme débridé pour investir, d’autant plus qu’ils seraient ultra minoritaires au capital.

 

Alors que faire ?

 

Plus que jamais, le mécénat apparaît comme le mode de financement de l’enseignement supérieur qui soit le plus vertueux et le plus efficace sur le long terme.

Sur ce plan, les velléités actuelles de nos gouvernants de réduire les avantages liés au mécénat sont de mauvais augure : d’un côté on démotive l’engagement des diplômés et des entreprises à contribuer au développement de leur école. D’autre part en catimini, on va financer des écoles comme l’EMLyon avec l’argent public. 

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 20:33

Franchement, quelle idée a eu Renault de discuter fusion avec FCA. Il me semble que ce soit FCA qui ait fait les premiers pas et c'est logique car, à moyen terme, ce groupe risque fort de tomber très bas, faute d'avoir investi dans les technologies d'avenir : voitures autonomes et électriques, plates-formes communes entre l'Europe et les Etats-unis. De plus la gamme européenne est vieillissante et peu rentable. Son point fort actuel et ce qui rapporte 90% du profit, ce sont les SUV que Chrysler vend comme des petits pains. Pour combien de temps ? ce sont de gros producteurs de CO2, devenus invendables dans de nombreux pays, surtout en Europe. Dans 5 ou 10 ans, ce point fort deviendra un boulet.

 

On nous raconte et les media naïfs les premiers, qu'il y aurait eu 5 milliards d'euros de synergies entre les deux groupes. Naturellement beaucoup écoutent cela d'une oreille, sans trop y croire. Pour moi, 5 milliards d'euros de synergie, cela signifie essentiellement des réductions de coût c'est-à-dire des fermetures d'usines et des licenciements.

Les gens de Renault devaient être confiants car ils pensaient que les usines de Renault plus rentables, plus mécanisées seraient donc les dernières à fermer. Et puis Carlos Ghosn, depuis qu'il est à la tête du groupe n'a cessé de réduire les effectifs et la production en France sous l'oeil bienveillant de son premier actionnaire, l'Etat (ce que n'a pas fait PSA avec des actionnaires privés). Ce qui fait qu'il n'y a plus en France que des sites de recherche et de technologie pointue. Les volumes se fabriquent ailleurs.

Les gens de FCA cherchaient surtout à récupérer des technologies et des méthodes qui leur permettraient de se repositionner avec des produits compétitifs. FCA a déjà négocié un accord avec Tesla pour éviter de payer trop de taxes carbone et gagner du temps pour développer des voitures électriques – avec l'aide de Renault pensaient-ils ?

De plus, la famille Agnelli cherche avant tout à sauver son capital dans l'automobile. Une fois le diamant du groupe, Ferrari mis en bourse par le magicien Sergio Marchione et la richesse des Agnelli augmentée jusqu'à 40 milliards €, que reste-t'il à faire pour s'enrichir un peu plus et surtout protéger son capital ?

Pourquoi le PDG de FCA, Mike Manley a t'il vendu brusquement un gros paquet d'actions. Sans doute parce qu'il s'est rendu compte que la fusion ne se ferait pas et que la valeur en Bourse de FCA allait plonger.

 

On cherche en vain ce qu'aurait gagné Renault dans cette affaire ? Lorsqu'on regarde l'ensemble Renault-Nissan-Mitsubishi, non seulement ce sont des entreprises complémentaires sur de nombreux points mais cet ensemble a derrière lui une histoire, des réussites, des plates-formes communes, des territoires où l'un d'entre eux est fort et peut aider l'autre, en couvrant le monde entier.

Qu'apporte FCA ? des positions de force aux Etats-Unis, non pas vraiment : Nissan y est présent depuis longtemps avec une grande variété de produits et pas seulement des SUV, avec des voitures électriques, des usines compétitives et est mieux positionné à moyen/long terme. Avec Nissan, la stratégie de Renault a été de se développer sur d'autres marchés où Nissan n'était pas présent comme la Russie, pour le plus grand bien de l'Alliance.

De plus, l'histoire récente montre que les alliances franco-italiennes sont compliquées et la réussite est peu fréquente (voir Essilor-Luxotica, les aventures de Bolloré avec Mediobanca). Une fusion serait remplie d'embûches que l'on sous-estime toujours.

 

On entend déjà que le président Jean-Dominique Senard a été fragilisé parce que, s'étant très engagé en faveur de la fusion, il aurait été en quelque sorte doublé par son ministre, Bruno Le Maire qui a joué un rôle tel que tous les partenaires sont maintenant effrayés par la présence de l'État au capital de Renault et par ses exigences, et au premier chef FCA. Jean-Dominique Senard a été en fait fragilisé par une erreur stratégique fondamentale, celle de s'engager dans ce projet de fusion qui n'a aucun sens pour le mega groupe Renault Nissan Mitsubishi, qui vient au contraire perturber la relation déjà troublée par l'affaire Ghosn. On peut se demander si il est toujours l'homme de la situation pour continuer de construire le seul attelage qui ait un sens à moyen et long terme, l'alliance avec Nissan et Mitsubishi. Maintenant, il faut qu'il répare d'urgence les dommages faits à l'Alliance et se préoccupe d'abord de continuer à la renforcer avec toujours plus de projets communs et de stratégies complémentaires et à supprimer tout élément d'incompréhension, de fragilité et d'éloignement.

 

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30 avril 2019 2 30 /04 /avril /2019 21:31

Selon une étude de StartHer et KPMG, seuls 12,5% des jeunes pousses ayant levé des fonds en 2018 sont dirigées ou co dirigées par une femme

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30 avril 2019 2 30 /04 /avril /2019 15:25

Une entreprise qui paye ses employés plus de deux fois au-dessus de la moyenne des salariés français, qui essaye d'obtenir une augmentation de 6% de ses tarifs, qui a bien des difficultés pour assurer le service des équipements dont elle a la charge, qui ne sait plus construire les équipements qui produisent l'essentiel de ce qui constitue son objet social et dont la position est toujours quasi monopolistique. Quel tableau !

 

Cher lecteur, vous avez sûrement deviné. Il s'agit d'EDF

 

N'en déplaise à certains, la taille d'une entreprise et sa position de monopole ne sont pas nécessairement corrélées avec son efficacité et sa capacité à générer de bons résultats.
 

On constate en effet que l'EDF, avec des équipes de techniciens et d'ingénieurs chevronnées, subit des retards récurrents pour terminer l'EPR de Flamanville, ces retards étant causé tout dernièrement par des soudures défectueuses. Il s'agit de canalisations entre les échangeurs générant la vapeur et les turbines de la centrale. Le béotien que je suis dans le domaine du nucléaire, ose supposer que les centrales nucléaires des générations précédentes nécessitaient des soudures d'un même niveau de qualité entre ces deux sections. Je note au passage que la température de la vapeur dans les centrales nucléaires ne dépasse pas 350°C, alors qu'elle dépasse 500°C dans les centrales thermiques au gaz.

Ce chantier a déjà 8 ans de retard. C'est en février 2018 que ces défauts ont été rendus publics par l'ASN, le gendarme du nucléaire. L'ASN met en cause la compétence des soudeurs (sous-traitants) et celle des contrôleurs de la qualité (EDF)

 

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31 mars 2019 7 31 /03 /mars /2019 20:10

La décision de la commissaire européenne à la concurrence interdisant la fusion entre Alstom et la division ferroviaire de Siemens a provoqué de nombreuses réactions dans la presse et parmi les politiques français, notamment au gouvernement. Ce qui est remarquable est que les syndicats ont manifesté leur satisfaction à l'annonce de cette décision. N'ont-ils pas raison face à un projet de mécano industriel dont on peut douter qu'il crée réellement de la valeur et des emplois ?

 

Ce battage médiatique m'amène à quelques réflexions. L'on se bagarre curieusement sur la restructuration supposée nécessaire d'une industrie qui a plus de 150 ans d'âge et dont la production est déjà fortement concentrée. Cette industrie construit du matériel où l'innovation technique est très limitée et la croissance des ventes encore plus limitée. A l'évidence, une fusion entre deux entreprises concurrentes conduirait à des efforts de rationalisation, de réduction des coûts et très probablement à des réductions de personnel – en cela on peut qualifier l'attitude des politiques, notamment de ceux qui nous gouvernent, d'irresponsable.

De plus, même si les discours convenus prétendent qu'il s'agira d'une fusion entre égaux, bien naïfs sont ceux qui le croient. Il n'y a pas de fusion entre égaux, l'une des entreprises prend toujours le pas sur l'autre. C'est comme cela que Lafarge est devenue une filiale d'Holcim. Qui souhaite qu'Alstom devienne une filiale de Siemens ?

Plus grave, nous avons affaire à deux entreprises plus que centenaires, dont les cultures sont différentes ; en particulier les modes de management de projet dans les groupes allemands et français sont notoirement différents et même opposés : très rapidement ceci générera des blocages et des incompréhensions, de l'inefficacité, des pertes de temps et des difficultés pour agir rapidement.

 

Un élément remarquable qui devrait nous convaincre : les Etats-Unis ont très peu de présence dans ce domaine industriel et leur dernier constructeur de locomotive a été mis en faillite il y n'y a pas longtemps. Ils investissent plutôt dans des projets futuristes comme Hyperloop. Sommes-nous sur la bonne voie quand nous prêtons tant d'attention à cette industrie vieillissante, à la merci de nouvelles technologies, radicalement innovantes – pensons à Joseph Schumpeter, économiste auteur de la "destruction créatrice" ?

 

Le prétexte à ce projet de fusion est la menace supposée du mastodonte chinois qui fait déjà actuellement un chiffre d'affaires double de ce que ferait le groupe Siemens-Alstom réuni. Ce mastodonte fait plus de 90% de son chiffre d'affaires en Chine et contrairement à ce qui est souvent dit, ne remporte pas, loin de là, tous les marchés à l'export. Si ce groupe bénéficie d'aides d'État – ce qui est quasi certain, de financements de connivence de la part des banques chinoises, ce qui est également certain, la concurrence sur les marchés export est déloyale. De plus la Chine en Afrique notamment, prête abondamment de l'argent aux états impécunieux pour qu'ils achètent des équipements Chinois et lancent des projets d'infrastructures notamment ferroviaires. A l'évidence, ce n'est pas parce qu'Alstom et Siemens fusionneraient que cela changerait un iota de la situation. Pour cela, et c'est moins facile pour nos politiques, il faudrait batailler à l'OMC, au G20 et sur d'autres forums internationaux. En particulier, il faudrait continuer d'avancer avec les pays africains sur des relations équilibrées de partenaires, les aider à développer leur économie en totale autonomie ; ces derniers se rendront compte bientôt qu'ils sont en train de se faire coloniser économiquement par la Chine.

A l'opposé, la situation actuelle de concurrence entre Alstom et Siemens permet aux clients de choisir entre des solutions différentes et pas seulement entre deux mastodontes Chinois et Européen.

 

Sur ce plan, les clients du monde entier, bien au-delà des pays européens hors Allemagne et France qui ont bataillé contre la fusion – ce que la presse et les politiques oublient de mentionner, seront heureux de constater : merci Margrethe Vestager.

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26 janvier 2019 6 26 /01 /janvier /2019 21:07

Fondée en 2008 par Richard Ollier, Giroptic a annoncé sa liquidation le 5 mars 2018. Et pourtant, en 2017, elle a vendu 20 000 caméras 360º, soit 10% du marché mondial.

Que s'est-il passé ?

 

Giroptic a commencé à faire parler d'elle le 4 juillet 2014 en annonçant sa nouvelle caméra 360cam sur la plateforme Kickstarter de crowdfunding. Cette caméra étanche, conçue pour la réalité virtuelle et capable de filmer à 360°, en haute définition, sans qu'un logiciel soit nécessaire pour fusionner l'image, était proposée en pré commande à $499 pièce. En 45 jours, Giroptic a levé 1,4 millions $ en pré commandes avec une promesse de livrer en décembre 2014, 95% des commandes provenant hors de France. C'est à ce moment que les soucis ont surgi : le produit était encore à l'état de prototype et il a fallu près de 2 ans pour commencer à livrer les clients, en avril 2016. Comme souvent, il y a très loin du prototype même fonctionnel au produit fini.

 

Lors de la campagne sur Kickstarter, l'équipe de Giroptic ne comprenait que 10 personnes. Fin 2015, ils étaient 30 et en avril 2016, 45 ! Simplement, l'industrialisation a été "très" difficile et il apparait que la mise au point et l'organisation de la production ont été longue à mettre en place. De plus, il a fallu maintenir le contact et tranquilliser les quelques 4000 clients de la première heure, une communauté – selon les termes de Richard Ollier, sur laquelle Giroptic s'est appuyée pour affiner les caractéristiques du produit ! Il est certain qu'une campagne Kickstarter comme celle qu'a menée Giroptic, permet d'accéder à une foule de clients réels et motivés – puisqu'ils ont payé leur pré commandes, et dont l'opinion est très précieuse. Autre super avantage : ces clients sont situés dans le monde entier et cela permet d'être très rapidement présent sur une foule de marchés.

 

Mais le risque est élevé, si on n'arrive pas à satisfaire ces clients de la première heure - early adopters, dans des temps raisonnables. Ils ne tarderont pas alors à se manifester sur la "toile" en critiquant les retards, et peut-être les carences d'assistance et les problèmes de qualité ou de conformité aux attentes notamment en termes de performances. L'attente jusqu'à avril 2016 a dû sembler très longue à tous ces clients.

 

Malgré cela, Giroptic a su convaincre une belle brochette d'investisseurs en levant 4,5 millions $ le 15 décembre 2015. Il s'agissait de : Partech Ventures, 360 Capital Partners, SOSV, Finorpa, Pascal Cagni (fondateur de C4 Ventures), Oleg Tscheltzoff (fondateur de Fotolia), le rappeur Aloe Blacc. Pourtant, à ce moment-là, la production des 360cam n'avait pas réellement commencé, mais il devait y avoir une présérie et un besoin pressant de financement supplémentaire pour démarrer la production avec des sous-traitants très probablement exigeants, demandant des acomptes car ils n'avaient aucun historique de confiance avec Giroptic.

 

Mais cela n'était pas suffisant, et en pleine accélération de la production, Giroptic a dû une nouvelle fois rechercher des fonds sous la forme d'obligations convertibles avec l'accélérateur SOSV, les 1er septembre 2016 et 11 décembre 2017.

La pression de la concurrence est devenue très forte en 2017, avec des produits venant d'acteurs beaucoup plus gros qui ont lancé la caméra Theta (Ricoh), la Gear 360 (Samsung) ou la Cam 360 (LG). Giroptic a annoncé d'urgence un autre produit qui se montait directement sur un smartphone, l'iO 360 à un prix de 250 €, supérieur à la concurrence, mais semble-t'il avec des performances insuffisantes.

Et quelques semaines après, en mars 2018, Giroptic a annoncé sa liquidation.

 

A priori, on peut penser que le principal problème de Giroptic a été un lancement prématuré de ses produits, avec des problèmes de jeunesse et un retard dans les livraisons.

 

Mais en fait, cette histoire se résume essentiellement en un manque de ressources financières : les fonds levés de l'ordre de 6 millions € font vraiment pale figure, face à des concurrents aux moyens bien supérieurs qui ont inondé le marché alors que Giroptic se débattait pour lancer sa production avec des équipes à peine constituées, des moyens limités et des difficultés pour établir une logistique d'approvisionnement.

 

Quelle autre stratégie pour Giroptic ?

 

Malgré ses moyens limités, Giroptic avait l'ambition d'aborder le marché mondial grand public, face à des acteurs puissants, coréens et autres japonais. C'était certainement un pari improbable. Une autre stratégie était-elle possible ?

On peut imaginer que Giroptic aurait dû se positionner nettement sur le haut de gamme, là où la concurrence est plus limitée, avec une clientèle sans doute plus exigeante mais appréciant des performances de plus haut niveau.

Cela parait souvent la voie pour créer un marque de qualité, capable de vendre à des prix élevés, et qui peut par la suite descendre à la fois en prix et en performances tout en conservant une solide image. Un bel exemple de ce type de stratégie est celui de Devialet dans les équipements audio haut de gamme

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31 décembre 2018 1 31 /12 /décembre /2018 20:26

Le 13 novembre 2018, Blablacar annonce qu'elle rachète pour un montant non dévoilé la filiale de cars longue distance de la SNCF, Ouibus – appelée idBus lors de son lancement en 2012. A regarder les chiffres cités dans cette annonce, on peut s'interroger sur la valeur de ce montant  : en 2017, Ouibus a perdu 35 M€ sur un chiffre d'affaires de 55 M€, en achetant littéralement 12 millions de voyageurs soit 40% du marché, ce qui constituait parait-il, un énorme succès. Je ne peux que féliciter tous ces voyageurs qui ont su bénéficier de ces prix cassés.

Ouibus a accumulé 165 M€ de pertes de 2013 à 2017 et au moins 25 M€ en 2018. Mais c'est une goutte d'eau dans l'océan des 40 milliards € de pertes de la SNCF que l'Etat s'est fait un plaisir de reprendre en 2018 pour les mettre à la charge de tous les contribuables français d'aujourd'hui et des décennies futures

 

Il est aussi annoncé que SNCF achève de modifier le modèle économique de Ouibus en confiant 90% de l'activité à des sous-traitants et des "franchisés". Franchement, on peut espérer que notre cher groupe public n'a pas dépensé un centime dans l'achat de cars et qu'elle n'a pas recruté de chauffeurs. On peut comprendre que ce modèle économique convienne à Blablacar : cette dernière n'est qu'un intermédiaire de mise en relation, elle ne possède aucun véhicule, ce sont les automobilistes qui les fournissent et en sont les chauffeurs. Avec des bus détenus par ces sous-traitants et conduits par leurs chauffeurs, c'est cohérent.

Il est cependant douteux que la stratégie des prix cassés soit poursuivie : l'intérêt de Blablacar n'est certainement pas de remplir les cars à tout prix, ce ne sont pas les siens. On peut imaginer que Blablacar s'appuiera sur sa plateforme et son réseau européen : c'est le message actuellement diffusé. Mais comment développer une offre transnationale avec des sous-traitants et franchisés qui sont certainement présents très majoritairement dans une seul pays ? alors que les deux grands concurrents que sont Transdev et Flixbus sont déjà solidement implantés dans la plupart des pays d'Europe. Il a bien été annoncé que Ouibus n'a développé une activité qu'en France, donc avec des sous-traitants français

L'abandon du nom Ouibus est déjà annoncé et je ne serais pas étonné que l'on ait du mal à trouver un nouveau nom et que cette activité va doucement disparaître, ce qui permettra à la SNCF de sauver la face ! il parait donc logique que le montant du rachat soit proche de 1 € et la boucle est bouclée.

 

Un abandon prévisible

 

Mon fidèle lecteur peut relire l'article du 13 juin 2015 à http://le.gargaillou.over-blog.net/2015/06/la-guerre-des-bus-aura-t-elle-lieu.html : l'échec de Deutsche Bahn face à Flixbus après moins de 3 ans de guerre des bus en Allemagne laissait prévoir celui de SNCF face à ce même Flixbus et Isilines, filiale de Transdev.

Toute la communication prédisant que les cars Macron prendraient le marché du covoiturage s'est avérée fausse dans l'esprit des stratèges de la SNCF : en fait avec Ouibus en France, SNCF a vite considéré que c'était un concurrent des TGV qui se manifestait. Se débarasser de Ouibus devenait nécessaire avec la mise en oeuvre des TGV "lowcost" Ouigo 

Toutefois dans de nombreux pays, les cars longue distance se sont développés, créant une nouvelle offre économiquement viable parallèle aux trains. C'est le cas en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne. Explication : la SNCF a de tels coûts fixes, qu'il lui est impératif de remplir tous ses trains au maximum et de ramasser la plus grande part de marché possible, là où ses trains circulent. Dans les autres pays, les concurrents ont appris à s'adapter. A quand la restructuration drastique que l'on ne cesse de différer ?

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19 décembre 2018 3 19 /12 /décembre /2018 17:55

M2I Life Sciences fondée en 2012 par l'intégration de la plateforme de R&D Holis Technologies à Lacq et du site de production Solvay Organics (SORF) à Salins de Giraud, développe des solutions alternatives aux insecticides conventionnels pour protéger les cultures et les forêts.

 

Selon Olivier Guerret, vice-président du Groupe M2I, lors d'une intervention récente, les solutions élaborées à partir des phéromones émises par les insectes femelles nuisibles sont l'avenir pour une agriculture durable à la fois respectueuse de la diversité et de l'environnement et capable de bons rendements. Les phéromones sont des parfums que les insectes femelles émettent pour attirer les mâles. Lorsque cette émission est forte, les mâles sont confus et ne fécondent pas les femelles, ce qui stoppe leur reproduction et leur prolifération.

 

Reproduites fidèlement en laboratoire, les phéromones sont encapsulées et stockées dans l'eau pour éviter toute diffusion avant le largage sur les terrains à traiter ; les capsules sont spécialement conçues pour assurer une diffusion sur 80 jours, une durée suffisante pour bloquer la contamination par les insectes saisonniers. Le procédé n'éradique pas complètement les insectes, avec un taux d'environ 99%, ce qui préserve la diversité de l'environnement. Mais le résultat est très satisfaisant pour assurer de bonnes récoltes ou maintenir les forêts en bon état sanitaire.

 

Le premier traitement que M2I a lancé avec succès est celui du carpocapse des pommiers. Les développements se poursuivent sur la noctuelle de la tomate, le lobesia de la vigne et le processionnaire du pin.

 

A l'opposé des insecticides qui s'accumulent année après année et polluent bien au-delà des surfaces traitées, les phéromones sont efficaces à des niveaux mille fois plus faibles et disparaissent après leur diffusion.

 

Ces technologies de bio contrôle paraissent pleines d'avenir. Leur utilisation est encore relativement freinée par des règlementations qui les assimilent à des insecticides. Mais c'est en train d'évoluer au moins en France, et par extension en Europe.

 

On peut souhaiter une belle réussite à M2I et surtout une ambition qui devrait s'étendre vite à toute la planète.

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 16:11

Il est aisé d'observer qu'avant la révolution industrielle, les capacités de construction de logements, de bâtiments publics, de châteaux, églises et autres monuments étaient limitées : l'on utilisait généralement les matériaux disponibles sur place, la pierre des carrières et le bois des forêts avoisinantes. Faire venir des matériaux particuliers de loin comme le marbre de Carrare ou le bois de cèdre du Liban, était extrêmement coûteux et rare. Par exemple, la présence de nombreux châteaux dans la Vallée de la Loire est bien sûr liée à l'agrément et à la douceur du climat de la région mais elle a surtout été réussie grâce à l'existence de carrières de calcaire au grain fin et à la couleur crème clair, un calcaire facile à tailler et élégant.

 

Avec la révolution industrielle et le développement des moyens de transport et des inventions comme celle du ciment par Louis Vicat ou du béton précontraint par Eugène Freyssinet, la construction métallique et surtout en béton s'est développée rapidement. Cela a permis l'expansion des agglomérations, des bâtiments industriels, des réseaux routiers et ferrés, des ports, des aéroports,...

 

Cette expansion rapide et bénéfique sous bien des aspects, a cependant un coût élevé pour notre planète : les matériaux de construction classiques — le béton, l’acier, et l’aluminium — sont, dans leur fabrication, leur transport et leur mise en oeuvre, la source de 20% des émissions de CO2 dans le monde entier. La fabrication du ciment à elle seule, contribue à 5% des émissions de CO2

 

Si les matériaux de construction deviennent taxés en fonction de leurs émissions de CO2, ce qui paraît normal compte tenu de leur très forte contribution à l'effet de serre, leur coût va augmenter de manière radicale. Il deviendra vite impératif de mettre en œuvre d'autres matériaux. Naturellement tous les cimentiers cherchent à réduire leur dépendance au charbon et à améliorer le rendement de leurs installations. Ce ne sera sans doute pas suffisant.

 

Se présentent à nous plusieurs solutions qui seront complémentaires :

 

Le "ciment vert" que la jeune pousse Hoffmann Green Cement Technologies va commencer à produire dans la première usine pilote de ciment vert inaugurée en novembre 2018, à Bournezeau en Vendée. Elle met en œuvre une technologie développée par le chimiste David Hoffmann et l'entrepreneur Julien Blanchard qui permet de produire du ciment à partir d'argile et d'additifs qui entraînent une activation alcaline de l'argile. Au lieu d'une cuisson longue à 1400°C nécessaire pour produire le ciment traditionnel, le ciment vert nécessite seulement une cuisson flash de 5 secondes à 750°C. Un béton fabriqué avec ce ciment aurait la même résistance à la compression qu'un béton classique mais une meilleure tenue au feu jusqu'à 1 100°C contre 600°C pour le béton classique.

Il en résulte que la production de ciment vert émettrait 4 fois moins de CO2 que le ciment traditionnel.

 

Le bois qui est largement sous-exploité notamment en France, parce qu'il est prétendument moins compétitif. En fait, il est évident, que toutes les entreprises de construction, la plupart des architectes et les fournisseurs de matériaux sont imprégnés par la culture du béton et du métal. Toutes leurs organisations, leur savoir-faire et leurs techniques sont orientés vers son usage. D'autres pays comme les pays nordiques ou l'Amérique du Nord mettent en œuvre la construction en bois depuis de longues années et certainement avec des coûts compétitifs. Avec l'augmentation de la taxe carbone, le bois va devenir plus compétitif, nous deviendrons plus vertueux, et les usages du bois pour la construction décolleront dans notre cher pays. Naturellement, il faudra mieux organiser l'exploitation des forêts pour leur assurer un avenir durable.
Deux difficultés ont limité l'utilisation du bois : sa durabilité limitée et ses propriétés mécaniques parfois incertaines. Il semble que ces dernières deviennent de mieux en mieux appréciées, à la vue du nombre croissant d'immeubles en bois de plus en plus hauts.

 

Le béton de terre est constitué d'argile, de sable, de gravier et d'eau où l'argile joue le rôle de liant, le gravier et le sable le squelette interne et l'eau le lubrifiant. Il est utilisé depuis longtemps sous le nom de pisé ou de torchis. L'ajout d'éléments comme la chaux, la potasse ou la soude, ou de fibres végétales améliorent ses caractéristiques mécaniques. Sa mise en oeuvre est peu consommatrice en énergie mais sa résistance est limitée

 

Le CFS, Carbon Fiber Stone est un nouveau matériau développé par la jeune pousse TechnoCarbon qui présente un ensemble de qualités innovantes qui devraient selon ses créateurs lui permettre de pénétrer une grande part du marché de la construction. Ce matériau combine le granit et la fibre de carbone, un composite plus léger et plus résistant que l'aluminium ou l'acier. Sa fabrication ne rejetterait pas de CO2, la version BioCF bientôt sur le marché, peut même en capturer !

 

 

 

 

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 20:17

Depuis environ trente ans, l'écart se creuse entre les entreprises qui réussissent et les autres : c'est ainsi que les inégalités de salaire viennent plus de l'entreprise pour laquelle vous travaillez que du travail que vous faites. C'est ce qu'il ressort d'une étude récente de Nicholas Bloom, professeur d'économie à Stanford : le facteur le plus important de croissance des inégalités au cours des dernières années provient de l'augmentation des différences d'une entreprise à l'autre.

 

Il y a quelques années, la COO (directrice générale) de Facebook, Sheryl Sandberg déclarait aux étudiants de Harvard qu'en 2001, lors d'un entretien de recrutement avec Eric Schmidt qui venait d'être nommé dirigeant de Google, ce dernier, en réponse à ses objections sur le faible niveau de l'offre qui lui était faite, lui avait dit : ne soyez pas stupide, si on vous propose un siège dans une fusée, ne demandez pas quel siège, montez simplement à bord.

 

Très souvent, le débat sur l'inégalité des rémunérations se résume au ratio entre le salaire moyen des employés et celui des PDG. Ce débat a fait l'objet des travaux et des publications de spécialistes comme Thomas Piketty. Mais il semble bien qu'ils font fausse route ! Selon Nicholas Bloom, ce facteur est de faible importance : du traitement des données de rémunération de plus de 100 millions d'Américains entre 1978 et aujourd'hui, il est ressorti que 70 à 80% de la croissance des inégalités provient des différences entre entreprises pour lesquelles chacun travaille. Et cette observation est confirmée à l'intérieur de tous les secteurs : par exemple dans un domaine comme la finance, il y a des firmes qui gagnent et d'autres qui perdent.

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