Le site Internet www.groupon.com qui propose à ses inscrits une offre (ou plus) à prix cassé par jour, vole de succès en succès. Créé fin 2008 à Chicago par Andrew Mason, un diplômé de musique de Northwestern, Groupon connait la croissance la plus rapide de toute l'histoire d'Internet. En 2010, son chiffre d'affaires aurait été de 750 millions $ et il a parait-il, été rentable après seulement 7 mois d'activité ! Plus de 70 millions d'internautes inscrits sur le site, reçoivent chaque jour des offres promotionnelles de la part de commerçants partenaires locaux qui accordent des remises élevées grâce aux volumes négociés. Les offres sont débloquées quand un nombre minimum d'acheteurs, variable selon chaque offre, est atteint. Il semblerait qu'actuellement, le minimum est atteint dans plus de 95% des cas. La commission payée par le commerçant à Groupon est de l'ordre de 40 à 50% !
La valorisation de Groupon en avril 2010 était de 1,3 milliards $ lors d'une levée de fonds de 135 millions $ remportée en grande partie par Digital Sky Technologies, l'investisseur moscovite derrière Facebook et Zynga ; elle est passée à 4,75 milliards $ en janvier 2011 ; après avoir refusé une offre de rachat par Google à 6 milliards $, Groupon envisagerait une introduction en Bourse qui le valoriserait à 25 milliards $.
Une nouvelle offre est en préparation qui va sûrement attirer les investisseurs : une application sur téléphone mobile, Groupon Now, proposant des promotions personnalisées et géolocalisées. Deux boutons « j'ai faim » et « je m'ennuie » permettraient d'accéder à des offres de restaurants et de loisirs dans le quartier où l'on se trouve.
Mais le modèle de Groupon est-il vraiment si original ? S'impose-t'il comme étant incontournable ? La technologie mise en oeuvre par le site n'est pas sophistiquée et à l'évidence, de ce côté-là, les barrières à l'entrée sont quasi inexistantes. La liste des concurrents est déjà très longue : plus de 200 sites aux Etats-Unis, plus de 500 dans le monde utilisent un modèle similaire et sur le marché français, il y a plus de 30 acteurs spécialisés comme Dealissime, Bonprivé, Letrader.fr, Maxideal, 24H00 ... PagesJaunes qui vient de créer Topdealenville et Spir Communication annoncent qu'ils se lancent sur le marché. Et Google comme Facebook s'intéresseraient de près à ce créneau.
Naturellement, Groupon a su convaincre de multiples investisseurs et grâce à ses levées de fonds successives, a pu racheter de nombreux concurrents implantés localement, reprendre ou recruter un personnel important à la fois pour animer les sites et pour démarcher les commerçants. Une des clés du succès est en effet de disposer d'une force commerciale locale solide qui démarche intensivement les commerçants. Ainsi Groupon France dirigé par Frank Zorn, cofondateur de Citydeal, qui a été racheté en mai 2010, est présent déjà dans une trentaine de grandes villes et en région parisienne et emploie plus de 250 personnes. Déjà présent dans plus de 40 pays avec plus de 4000 salariés, Groupon se positionne comme un généraliste, un aggrégateur d'offres les plus larges possibles, avec un maillage géographique le plus complet possible. Il semble donc que tout aille bien, que les concurrents soient gagnés de vitesse, que des positions de numéro 1 soient acquises sur les marchés cibles. Un modèle classique pour devenir leader mondial sur Internet.
Mais selon l'Expansion, il parait que, sur ses plus gros marchés, les grandes villes américaines, il aurait été rattrapé par Livingsocial, qui aurait plus de 25 millions d'inscrits. D'autres sites américains DailyCandy, Thrillist, UrbanDaddy, Travelzoo, OpenTable se sont mis à envoyer des offres quotidiennes à leurs inscrits, formule à la base du succès initial de Groupon. Et sur des marchés majeurs comme New York, au lieu d'envoyer une offre par jour en maximisant ainsi l'impact, plus de 20 offres par jour sont envoyées par Groupon à ses inscrits. Le revenu par offre s'en trouve réduit conduisant à des déceptions pour les commerçants et une plus grande chance que le minimum d'achat ne soit pas atteint. On peut prévoir que la pression concurrentielle augmentant, le taux des commissions soit amené à baisser, rendant le modèle de moins en moins performant. Groupon serait aussi devenu la cible de poursuites judiciaires en Californie et un accord conclu avec une commerçante belge aurait conduit cette dernière à la faillite. Des consommateurs se plaignent de la mauvaise qualité du service de la part des commerçants (livraisons non conformes aux offres, longs délais de livraison,...), qualité que Groupon ne peut bien sûr pas garantir, surtout au fur et à mesure que la société grossit.
On est tenté de parier que les difficultés viendront de plus en plus du côté des commerçants. Une activité commerciale ne peut absolument pas fonctionner de manière régulière dans les conditions imposées par Groupon et les autres. Il s'agit de vente à perte dans la plupart des cas … Une fois que tous les commerçants sur un même créneau dans une même ville auront successivement joué, et perdu de l'argent sur chaque vente que Groupon leur aura apporté, seront-ils prêts à rejouer ? Je suis prêt à parier que non. Et la bulle commencera à se dégonfler.