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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 20:18

Il y un an, l'AFIC (Association Française des Investisseurs de Croissance) s'inquiétait de la baisse des fonds levés par les acteurs du capital investissement. La tendance n'a pas changé. Les banques et les assureurs sortent du marché sous la pression des réglementations Bâle III et Solvabilité II ; les épargnants se restreignent et font des économies en prévision des notes diverses qu'ils vont recevoir du percepteur.

 

Alors que font les entrepreneurs ambitieux, notamment ceux de l'Internet qui doivent à tout prix viser une forte croissance ? En effet, sur Internet, il y a une prime élevée au numéro un et il est difficile d'exister si on ne fait pas la course en tête. Pour trouver les fonds nécessaires à cette croissance, ils font feu de tous bois et vont chercher des fonds dans le monde entier. Certains commentateurs prétendent qu'ils vont ailleurs qu'en France parce que les fonds de capital risque et de développement français ne pourraient plus suivre. Ce n'est pas aussi simple ….

 

L'observatoire des investissements dans l'Internet récemment publié par KPMG qui a étudié les levées de fonds entre janvier 2010 et juin 2012, permet d'éclairer en partie la situation.

 

Les sociétés françaises de l'Internet ont levé 830 millions d'euros sur un total de 238 opérations sur cette période de 18 mois. Les 20 opérations les plus importantes représentent 40% des fonds levés. Le secteur du commerce électronique est le plus dynamique avec 93 levées de fonds (39% du total) et 404 millions € soit 49% du total. Suivent les secteurs du service électronique (120 M€), du marketing (100 M€) et du social (94 M€) et le tiercé gagnant est constitué de : Fotolia (120 M€ en mai 2012), ShowroomPrive (37 M€), CommentCaMarche (27 M€).

 

La très forte majorité des montants levés viennent des fonds d'investissement (54%) et d'investisseurs privés (business angels) (44%) ; les fonds d'entrepreneurs (Kima, Isai, Jaina), les fonds corporate et les fonds à capitaux publics interviennent chacun pour 9%, plusieurs types d'investisseurs pouvant être représentés dans une même opération. Et il y a eu seulement 3 introductions en Bourse ...

 

En fait, les sociétés de l'Internet les plus dynamiques ont des ambitions mondiales. Afin de s'implanter rapidement dans une région du Monde, il est particulièrement important de lever des fonds dans la région même. Par exemple Criteo a successivement levé 3 M€ en France, puis 5 M€ aux Etats-Unis (avec Bessemer) et dernièrement 30 M€ au Japon (avec Softbank). Criteo a pu ainsi déclencher une visibilité renforcée sur chacun de ces marchés et s'assurer l'aide des investisseurs locaux pour développer l'activité. Pour Criteo, la prochaine étape est la Chine, un marché très fermé selon son dirigeant Jean-Baptiste Rudelle. Une nouvelle levée de fonds s'imposera, avec des investisseurs chinois, cette fois-ci. Il semble que le fait de se rapprocher avec l'« éco système » local soit plus important que le montant des fonds levés. Bien sûr, les actionnaires des précédentes levées doivent accepter d'être dilués, mais c'est le prix à payer pour une développement mondial et une présence significative sur les marchés clefs.

De même, après plusieurs levées de fonds en Europe, Fotolia a levé 120 M€ en mai 2012, auprès de KKR à New York avec pour principal objectif d'accélérer son développement en Amérique du Nord.

 

Tout ce qu'on peut donc souhaiter à nos jeunes pousses de l'Internet, c'est de franchir les frontières et d'aller au-delà des océans pour rencontrer des investisseurs aux poches profondes qui les aideront dans leur développement mondial. Sont-elles toutes prêtes à franchir le pas un jour ? Sinon, il leur arrivera ce qui s'est produit par exemple pour Price Minister : se faire avaler par un groupe, le japonais Rakuten en l'espèce, ou par un concurrent comme cela a été la cas pour iBazar rachetée par eBay en 2001. Dans les deux cas, c'est la disparition à plus ou moins brève échéance.

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13 novembre 2012 2 13 /11 /novembre /2012 17:04

Le feuilleton Lacoste vient d'aboutir à sa conclusion : tous les membres de la famille vont céder leurs parts dans l'entreprise créée en 1933 par René Lacoste, au groupe suisse Maus Frères. Le prix proposé était vraiment attractif : il valorise l'ensemble des parts à 1,25 milliards €. Difficile de résister, quand on sait que le chiffre d'affaires de Lacoste est d'environ 140 millions €.

 

La galaxie Lacoste

 

René Lacoste, champion de tennis des années 1920, fit confectionner en 1927 pour son usage, un lot de chemises en coton en maille aérée, absorbant la transpiration. En 1933, il s'associe avec André Gillier, dirigeant d'une des plus grandes bonneteries de Troyes fondée en 1825, et créateur de la première marque de sous vêtements masculins Jil en 1929, pour lancer cette chemise en « jersey petit piqué » blanc, nommée la « 1212 » avec son emblème le crocodile.

Pour la première fois, un vêtement est commercialisé avec sa marque, le fameux crocodile, brodée à l'extérieur, bien en évidence. René Lacoste est à l'origine d'autres inventions destinées au sport qui le passionne : en 1927, une machine à lancer les balles de tennis, en 1961, une raquette en acier qui donnera le signal de l'abandon du bois. Cette raquette innovante commercialisée par Wilson gagnera 46 tournois de Grand Chelem de 1966 à 1978 !

 

En parallèle, Lacoste licencie d'autres partenaires : en 1968, une Eau de Toilette pour hommes avec le parfumeur Jean Patou, racheté depuis par Procter & Gamble ; en 1985, des chaussures de sport avec Pentland ; une ligne de maroquinerie avec Samsonite reprise par Devanlay en 2010, des montres (Movado), du linge de maison (Zucchi te Uchino), des bijoux (GL Bijoux), des lunettes (Marchon) ….

 

Aujourd'hui, un réseau de plus de 1000 boutiques Lacoste et 2000 autres points de vente diffusent les produits de la marque dans plus de 110 pays, dont 15% aux Etats Unis, 9% en France, 6% en Chine et 6% en Italie, pour un total des ventes 2011 de 1,6 milliards € … Les vêtements réalisés par Devanlay restent le point fort de la marque avec 60% des ventes, Lacoste touchant 8% de royalties sur ces ventes.

 

 

Devanlay

 

Pierre Levy qui a épousé l'héritière d'une usine de maille, rachète l'usine Devanlay-Recoing dans les années 30, puis l'ensemble des Etablissements Gillier en 1961, plusieurs années après le décès d'André Gillier en 1935.

En 1975, Léon Cligman, gendre de Pierre Levy, reprend la direction de Devanlay alors en difficulté et la redresse, en renouant avec les bénéfices trois ans plus tard. En 1996, Devanlay avait un chiffre d'affaires de 300 millions € et un bénéfice de 17 millions €, constitué essentiellement de la marque Lacoste et de marques de sous-vêtements (Scandale, Jil, Coup de coeur, Orly). Agé de 77 ans en 1998, Léon Cligman, vend son groupe à Maus Frères pour 440 millions €.

Aujourd'hui, Devanlay poursuit son développement en France avec 8 sites industriels, plus de 1000 salariés, dans l'Aube, la Marne, la Meuse,... et des ventes de 1,4 milliards €, se consacrant depuis 2000, à la confection de tous les articles en maille Lacoste. On notera qu'elle est confrontée à une pénurie de main d'oeuvre qualifiée …

 

 

Maus Frères

 

Le groupe suisse Maus Frères rachète ainsi en 1998, 90% de Devanlay, 10% étant conservé par Lacoste. Ce groupe fondé en 1902 par Ernest et Henri Maus et Léon Nordmann avec l'ouverture en 1902 de leur premier supermarché à Lucerne. Les enfants des fondateurs poursuivent le développement dans la distribution en créant un réseau de grands magasins, à Bâle, Lausanne, Genève puis, en 1974, un premier hypermarché Jumbo à Dietlikon, dans les années 1980, une chaîne de restaurants Manor et en 1985 avec l'ouverture des premiers City-Disc, en 1994, les premiers magasins electroPlus et Jeans & Co, puis en 1995, le premier magasin Athleticum, enfin en 1998, la franchise des magasins de mobiliers Fly.

À partir de 1996, le groupe se développe hors de Suisse avec l'achat des parapharmacies françaises Parashop. Après l'acquisition de Devanlay en 1998, Maus Frères rachète en 2003 la marque de sport et d'extérieur Aigle et en 2008, devient l'actionnaire principal de la marque de vêtements suédoise Gant.

Cet empire familial dirigé par Didier Maus, 56 ans, de la quatrième génération, a un chiffre d'affaires global de 4,4 milliards € (2011) et 22 000 salariés.

 

 

La famille Lacoste

 

Pendant 35 ans, le fils ainé de René Lacoste, Bernard a présidé l'entreprise. En 2005, il démissionne pour raisons de santé et décèdera peu après. Son frère Michel lui succède. En 2012, agé de 69 ans, il doit céder sa place et essaye de favoriser sa nièce Béryl, fille de Bernard. Mais c'est sa fille âgée de 36 ans, Sophie Lacoste-Dournel qui est élue le 24 septembre 2012, par le conseil d'administration, après plusieurs années de conflit avec son père.

C'est alors que Michel Lacoste décide de céder sa participation de 30,3% dans Lacoste à Maus Frères qui en possède déjà 35% depuis l'acquisition de Devanlay et qui élargit son offre à l'ensemble de la famille. Michel a préféré confier l'avenir de Lacoste aux suisses plutôt qu'à sa fille qu'il taxe d'incompétence. Il a ainsi déclaré à la presse : "ne pas vouloir mettre en péril l'avenir de Lacoste" et qu'une cession était "la meilleure façon de soutenir la marque".

Pendant quelques jours, les autres membres de la famille qui possèdent 28,3% du capital, recherchent un financement qui pourrait leur permettre de bénéficier de leur droit de préemption prévu au pacte d'actionnaires et empêcher la prise de contrôle par le groupe suisse. Il y a quelques années, ils avaient pu racheté ainsi la part d'Anne et de Christine, deux filles de François (un autre frère), mais au bout de deux ans et demi de procédure...

Cette fois-ci, cela n'a pu fonctionné, la barre a été fixée trop haut par Maus Frères.

Ils ont accepté leur offre. Sophie Lacoste-Dournel a expliqué à la presse, que cette décision avait été "très difficile et très douloureuse", mais que "c'était la seule qui puisse être prise pour la pérennité de l'entreprise et de ses salariés", ajoutant que "ces actions nous avaient été léguées par nos grands-parents, non pas dans un esprit de possession mais de transmission".

 

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

Clairement, l'adage selon lequel de nombreuses affaires familiales disparaissent à la 3è génération se trouve en quelque sorte confirmé : le père crée et développe, les enfants maintiennent et les petits enfants dilapident.

Dans le cas de Lacoste, on pourrait même dire que les enfants ont commencé le travail.

En effet, à la fin des années 1990, Bernard et Michel Lacoste confient à Devanlay la moitié des 1 200 boutiques du groupe, situées dans 114 pays. Et en 2010, Michel met un terme à son partenariat avec Samsonite pour la maroquinerie et offre la licence à Devanlay. Lacoste devient de plus en plus dépendent de Devanlay qui pèse 70 % du chiffre d'affaires de la marque.

En 2002 puis en 2008, Maus Frères avaient déjà tenté de racheter Lacoste, profitant de luttes entre les héritiers.

 

Comme toujours, une transmission familiale qui tourne à l'échec est le résultat de nombreuses années d'impréparation et de mauvaise gestion des conflits. A l'évidence, dans le cas Lacoste, très tôt, Bernard n'a pas su ou n'a pas pu organisé sa succession. Et il ne fallait surement pas que son frère lui succède. Personne, parmi la 3è génération, n'a pu être formé au sein de la famille qui ait les qualités et les capacités pour maintenir les liens, obtenir la confiance de tous, notamment de ceux de la 2è génération, et communiquer une vision et une stratégie pour l'avenir.

Cela n'était certainement pas très facile, Lacoste étant une affaire assez particulière dont le savoir-faire est essentiellement dans le développement d'une marque et faisant confiance à des licenciés pour fabriquer et diffuser. Mais le cas est fréquent dans le domaine du luxe et de la mode.

Il est certain par exemple, que la stratégie initiale d'ouverture de boutiques vendant tous les produits de la marque quel que soit le licencié, sous un même toit, était un élément clef de pérennité de l'entreprise, assurant le contact avec les clients finaux et le marketing aval. Le transfert de quelques 600 boutiques à Devanlay à la fin des années 90 a été un premier signe de divergence loin d'une stratégie de poursuite de l'entreprise à long terme.

 

On peut s'interroger pourquoi une entreprise familiale suisse dirigée par la 4è génération a su reprendre une pépite française à la 2è et 3è génération ?

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 22:55

Robert J. Gordon, professeur d'économie à l'université de Northwestern, près de Chicago, et chercheur à l'OFCE (Paris), a publié en septembre un « papier » où il s'interroge sur les causes du ralentissement de la croissance aux Etats-Unis. Son analyse remonte aux premiers jours de la première révolution industrielle appelée IR1, qui s'est produite à partir de 1750 en Angleterre. Avant cette date, il n'y a eu pendant des siècles, qu'une infime croissance économique. Jusqu'en 1906, R. Gordon considère que l'Angleterre a devancé le reste du monde en productivité et donc en revenu par tête. A cette date, les Etats-Unis sont passés devant l'Angleterre et sont restés jusqu'à aujourd’hui, le numéro un en terme de revenu par tête.

 

 

Et les autres pays ?


On remarque que, bien qu'il n'en fasse pas mention, R. Gordon ne tient pas compte des micro états dont le revenu par tête est supérieur ... L'hypothèse implicite de R. Gordon est que le cours de la croissance économique de tous les pays a suivi et va suivre avec plus ou moins de retard le chemin emprunté par l'Angleterre d'abord (jusqu'en 1906) et les Etats-Unis ensuite, la référence étant le revenu par tête. On conçoit que les pays émergents, au cours des 20 ou 30 dernières années, ont connu un rattrapage à marches forcés, bien sûr facilité par le fait que les découvertes et les inventions des 250 dernières années sont derrière nous et qu'ils ont bénéficié ainsi de progrès de productivité très rapides. Il est prévisible que les causes qui ralentissent la croissance des Etats-Unis, vont aussi impacter les autres pays, y compris les émergents, avec plus ou moins de retard.

 

 

La croissance des années 1300 à 2100


R. Gordon nous indique que le revenu annuel par tête ramené à la valeur d'aujourd'hui, a été seulement multiplié par 3 en 5 siècles de 1300 à 1800, augmentant de 1 150 $ à 3 450 €. En 1906, il était de 6 350 $ en Angleterre et aux Etats-Unis, soit pratiquement un doublement en un siècle. La croissance a été ralentie jusqu'à la crise de 1929 puis s'est soudainement accélérée, doublant de 8 000 € à 16 000 € en 28 ans (de 1929 à 1957) et doublant à nouveau à 32 000 $ en 31 ans, en 1988.

En 2007, l'année de base utilisée par R. Gordon pour sa prospective, le revenu par tête était de 44 800 $, soit une progression de 40% seulement en 19 ans : il y a donc maintenant un ralentissement significatif de la croissance ; il prévoit que la croissance jusqu'à 2100, va retomber au niveau du 19è siècle soit un doublement en un siècle ! Ceci correspond à une croissance moyenne de 0,7% par an. R. Gordon observe que la croissance moyenne a été successivement de 2,33% par an de 1891 à 1972, puis de 1,38% jusqu'en 1996, de 2,46% de 1996 à 2004 et de 1,33% par an jusqu'en 2012.

 croissance économique de 1300 à 2012

Croissance économique en % par an de 1300 à 2012 en Angleterre (bleu) et aux Etats-Unis (rouge) (extrait de Policy Insight nº63 - sept 2012)

 

 

Les trois révolutions industrielles IR1, IR2 et IR3


Pourquoi la croissance a t'elle été si rapide au début du XXè siècle ? Tout simplement parce que la seconde révolution industrielle (IR2) entre 1870 et 1900 connut en peu de temps les inventions qui ont eu le plus d'influence sur l'amélioration des conditions de vie : après le télégraphe inventé en 1844, l'éclairage électrique et le moteur à explosion apparurent ensemble en 1879. Pendant cette courte période et avant 1929, le téléphone, le phonographe, la photographie, la radio et les films, les ascenseurs et les escaliers mécaniques, les automobiles, les camions et les avions, les autoroutes, les supermarchés, les grands magasins et la vente par correspondance, l'eau courante, le chauffage central et les égouts, la chimie, les plastiques et les médicaments, les lave-linges et les réfrigérateurs furent tous inventés ou créés. Ces inventions ont été suivies par d'autres comme la télévision, la climatisation qui ont eu leur plein effet avant 1970. Mêmes les ordinateurs ont eu l'effet le plus marquant au début des années 60, tôt après leur invention, remplaçant le travail manuel ou répétitif par des automatismes ; par exemple, les opératrices téléphoniques ont rapidement disparu et les banques et les compagnies d'assurance ont émis des documents générés par leur informatique. Les premières cartes de crédit ont été introduites dans les années 50. R. Gordon indique que les ordinateurs ont eu surtout pour effet de prolonger la période de croissance rapide générée par IR2 jusqu'au début des années 70 et que par la suite, ils auraient empêché que le freinage de la croissance soit plus sévère. IR2 a eu ainsi un impact bien plus fort et durable que IR1.

 

 

On constate que la troisième révolution IR3 dont on situe le début autour de 1995 et qui nous a apporté l'Internet, le Web, les téléphones portables,... a un impact bien moins important que IR2 sur les augmentations de productivité et donc sur la croissance. Son impact a surtout été de plus courte durée : seulement 8 ans à comparer aux 81 ans qu'a duré IR2. Les innovations récentes comme les smart phones ajoutent simplement des fonctions existant sur d'autres outils personnels ...

 

 

Un trait commun aux innovations de la révolution IR2, de 1870 à 1970, c'est que la plupart des améliorations ne pouvaient arriver qu'une seule fois ; par exemple la température dans les habitations est passée d'une alternance entre un froid glacial l'hiver et une chaleur étouffante l'été, à une température contrôlée toute l'année : cette transformation ne peut se produire à nouveau. Après 1970, les innovations sont devenues souvent en quelque sorte des innovations de second tour, dont l'effet sur la productivité est bien moindre. Le traitement de texte des ordinateurs personnels n'a fait que remplacer les machines à écrire à mémoire qui avaient déjà très largement simplifié le travail de secrétariat.

 

 

Que valent les innovations des années 2000 comparées à celles de IR2 ?

 

R. Gordon décrit une expérience illustrant l'importance des inventions de IR2 : deux choix sont proposés, A ou B. Avec A, on conserve la technologie de 2002, y compris un ordinateur sous Windows 98 capable d'accéder aux sites marchands, l'eau courante et des wc intérieurs, mais on ne peut utiliser ce qui a été inventé après 2002. Avec B, on obtient tout ce qui a été inventé dans les dix dernières années, jusqu'à Facebook, Twitter et l'iPhone ou l'iPad mais il faut porter l'eau jusque chez soi et aller à l'extérieur, peut-être sous la pluie ou de nuit, pour accéder aux wc. Quelle option choisit-on ? quelles sont les inventions les plus importantes ?

 

 

Qu'en est-il du futur ?

 

R. Gordon rappelle qu'il ne faut jamais sous-estimer le potentiel des innovations, citant le président d'IBM, Thomas Watson qui estimait que le marché mondial pour ordinateurs était de 5 systèmes maximum ou Bill Gates qui déclarait qu'une mémoire de 640 kilooctets était suffisante pour une disquette.

 

Mais l'innovation est désormais confrontée à 6 facteurs qui en freinent les effets :

- la démographie : la population des retraités augmentant en pourcentage de l'ensemble de la population, la proportion des actifs diminue et le nombre d'heures travaillés par tête diminue également, et la production par tête augmente moins vite que la productivité. On notera que les pays européens traitent indirectement la question en se focalisant sur la maintenance des retraites par répartition : en repoussant l'âge de la retraite, on augmente la capacité de production grâce à un nombre d'heures travaillés plus élevé, et on stimule la croissance. Le lecteur notera qu'en France, une première fois au début des années 80, l'âge de la retraite passant de 65 à 60 ans, a sûrement eu un effet de freinage sur la croissance et que le présent gouvernement qui appelle la croissance de ses voeux à toutes les occasions a pris une mesure qui freine la croissance en ramenant la retraite à 60 ans pour certains. Au contraire, les Allemands sont en train de passer à une retraite à 67 ans ...

 

- la formation : aux Etats-Unis, il apparait que le niveau moyen de la formation des jeunes se détériore depuis plus de 20 ans. Une des causes est l'inflation du coût des études supérieures qui limite de plus en plus l'accès aux catégories les plus pauvres et fait que les autres accumulent des dettes qui biaisent leur orientation de carrière. R. Gordon cite également les mauvais scores des élèves américains dans les tests PISA de l'OCDE. Il est évident que le même effet est présent en France, notamment en considérant le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail, ayant des difficultés en connaissances de base et sans formation professionnelle, ainsi qu'en observant le biais de notre enseignement supérieur du côté des catégories les plus favorisées. La vrai question pour la France est de savoir si la situation s'améliore, devient pire ou est stabilisée. Aux Etats-Unis, elle empire et c'est un frein à la croissance.

 

- l'inégalité croissante : aux Etats-Unis, de 1993 à 2008, la croissance moyenne du revenu par foyer a été de 1,3% par an mais pour 99% d'entre eux, la croissance a été de 0,75% par an seulement, les 1% les plus aisés captant la différence de 0,55%. D'où une croissance réelle diminuée de 0,55% pour l'immense majorité de la population. En France, en se focalisant sur le maintien du pouvoir d'achat, nos politiciens depuis 20 ans ont su limiter la croissance de l'inégalité avec de nombreux outils. On peut donc considérer que ce facteur est quasiment absent ici.

 

- la globalisation : R. Gordon prétend que la globalisation, en mettant en concurrence la main d'oeuvre bon marché des pays émergents bénéficiant de capacités techniques croissantes avec celle d'un pays avancé comme les Etats Unis agit comme un frein sur la croissance. Il cite la théorie d'égalisation du facteur prix de Hecksher-Ohlin-Samuelson. On peut argumenter exactement le contraire en indiquant que, grâce aux produits importés bon marché, le pouvoir d'achat des individus et des entreprises augmente induisant une croissance économique. Sur ce point, j'observe que le seul impact vraiment significatif sur la croissance est celui provenant d'une balance commerciale en déficit avec les pays émergents causée par l'importation massive de produits venant de ces pays. C'est le cas des Etats-Unis comme de la France. Une balance commerciale en déficit induit un appauvrissement du pays importateur donc une perte de croissance du même montant. Si les Etats-Unis et la France réussisaient à équilibrer leurs échanges, ils regagneraient plusieurs dixièmes de point de croissance. Une petite partie de la croissance de l'Allemagne, du Japon, de la Chine provient de leurs excédents commerciaux.

 

- énergie et environnement : ce facteur est à l'évidence de plus en plus important, par les contraintes en termes de coût des ressources et de dégradation de l'environnement. R. Gordon renvoie simplement la balle aux "mauvais", l'Inde et la Chine en l'espèce, qui produisent à eux deux maintenant plus de CO2 (10,3 milliards de tonnes en 2010) que les Etats-Unis (5,5 milliards de tonnes mais tout de même 2,3 milliards d'habitants en Chine + Inde contre 350 millions ...) et, selon lui, ne veulent pas contrôler leurs émissions, puisqu'à la même époque de développement économique, il y a 20 ou 40 ans, les pays avancés ne se souciaient pas d'émissions de CO2 ... Il résume cependant assez bien la question en termes économiques : le traitement des questions d'environnement et d'épuisement des ressources représente un compensation de la croissance économique passée, en quelque sorte une dette contractée lors des périodes de croissance rapide qu'il va falloir rembourser.

 

- le poids des dettes : en 2007, les américains avaient une dette équivalente à 133% de leurs revenus annuels ; ils cherchent maintenant à réduire cette dette, à épargner et cela a un impact négatif sur leurs dépenses. Pour l'instant, l'Etat américain ne prend pas vraiment de mesures pour réduire sa dette qui est abyssale mais si cela se produisait un jour, il y aurait un impact sur la croissance. En France, la question sur le devant de la scène est la dette publique et la manière dont le gouvernement compte la réduire sous la contrainte des marchés.

 

On reste un peu sur sa faim avec cet ensemble de 6 facteurs freinant la croissance économique. Il y manque notamment :

- l'intervention des Etats

Je pense que R. Gordon n'est pas républicain, car il aurait alors à coup sûr indiqué que les gouvernements et états de toutes sortes freinent la croissance économique par leurs interventions, par la mauvaise utilisation des fonds collectés via les impôts. Il est avéré que la création d'un emploi public détruit plus d'un emploi privé et que les emplois privés sont seuls producteurs de valeur et générateurs de croissance économique au sein des entreprises. Dans ce domaine, la France a un handicap très important et les efforts de réduction des emplois publics doivent être poursuivis.

- le commerce international

Un autre élément qui a joué un rôle très favorable depuis la deuxième guerre mondiale est la libéralisation du commerce international et la baisse des droits de douane de toutes sortes. De même, pendant toute la période de 1300 à 1750, on a pu constater que la liberté de commercer et une diminution des droits de douane, octroi et autres taxes sur la circulation des biens ont conduit à une croissance économique significative. Les efforts de l'OMC doivent être poursuivis et que les négociations soient figées depuis plusieurs années, n'a pas aidé la croissance économique mondiale.

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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 21:06

Pricewaterhouse Coopers (PwC) et l'association FBN France viennent de réaliser une enquête sur les entreprises familiales françaises en interrogeant 270 dirigeants. Membre du réseau international de 25 associations du Family Business Network (FBN), FBN France fédère les membres familiaux d’entreprises dont le capital est contrôlé par la même famille depuis au moins deux générations ; elle accompagne aussi les familles qui préparent leur première transmission ; sa mission est de favoriser le succès et la pérennité des entreprises familiales.

 

En résumant la définition de la Commission Européenne, sont désignées comme familiales les entreprises contrôlées par un ou plusieurs membres d'une famille, qu'ils soient de la première génération ou des suivantes. En France, elles représentent 83% des entreprises (60% en Europe).

 

En préambule, on notera que les seules indications sur la population des dirigeants interrogés, sont que le chiffre d'affaires de leur entreprise est compris entre 10 millions € et 1,5 milliards €, qu'ils sont de la 1re à la 4e génération et dans toutes les régions de France et dans tous les secteurs. Aucune autre information n'est fournie tendant à déterminer le caractère représentatif de l'échantillon. On peut penser que les personnes interrogées sont des membres de FBN France, mais ce n'est pas certain. 

Les résultats devront donc être interprétés avec prudence et plutôt en termes qualitatifs, en tant qu'indicateurs de tendance.

 

Une croissance supérieure à la moyenne, tirée par l'international

 

60 % des dirigeants interrogés confirment une croissance supérieure à 5 % de leur chiffre d’affaires 2011 par rapport à 2010, 33 % d'entre eux, une croissance supérieure à 10 % et 7% supérieure à 25%. Les deux facteurs dominants pour les entreprises de croissance sont la présence à l'international et la taille (supérieure à 50 millions €). On ne s'en étonnera pas ! Il existe bien sûr un « cercle vertueux » : à partir d'une certaine taille sur son marché, une entreprise a la capacité d'investir en développement international, elle aborde alors un potentiel beaucoup plus large qui se retrouve dans une croissance plus dynamique.

Le caractère ambitieux et dynamique de l'échantillon des dirigeants interrogés se confirme par le fait que 57 % d’entre eux annoncent une stratégie de croissance et d’expansion pour 2012, en hausse par rapport à 2011 (53%).

 

Il y a 20 ou 30 ans, on constatait que la présence à l'international se résumait souvent par une activité en Europe et dans les pays francophones, en Afrique en particulier. Cette situation a considérablement évolué : 51% des répondants sont en Asie et 39% en Amérique du Nord. A l'évidence, la « grande exportation » se développe.

 

Une relation privilégiée avec les banques

 

Il est tout à fait remarquable que plus des 3/4 des dirigeants interrogés considèrent leurs banques comme de véritables partenaires qui savent s’adapter à leurs besoins et y répondre rapidement et efficacement, capables de les accompagner dans le développement de leur entreprises. Il semble que cette relation de confiance se soit bâtie au fil des années, parfois depuis plusieurs générations..

Il est aussi certain que ces entreprises présentent un risque faible pour les banques.

 

Et l'autofinancement ?

 

Les auteurs de l'étude décernent un étrange satisfecit aux entreprises, en prétendant qu'elles affichent un taux important de réinvestissement des bénéfices. 

Les chiffres en parlent autrement : 57% des répondants ont réinvesti de 1 à 10% des bénéfices sur les deux derniers exercices. Ce qui signifie en fait qu'entre 90 et 99% des bénéfices ont été versés en dividendes pour les actionnaires. Et seuls 17% des répondants ont réinvesti 25% ou plus des bénéfices. Aucune information n'est donnée sur les entreprises qui auraient réinvesti 50% ou même 100% de leurs bénéfices.

On est loin du comportement des entreprises de forte croissance, les fameuses gazelles, qui devraient réinvestir la totalité de leurs bénéfices pour financer leur développement, la récompense venant pour les actionnaires au moment de la mise en bourse ou du rachat de leurs parts.

Contrairement à ce que prétendent les auteurs, même les entreprises familiales, supposées les mieux gérées et ayant une stratégie de long terme, s'autofinancent peu en France. Il en résulte qu'elles manquent de fonds propres !

Ce qu'il en ressort, ce que nous savons par d'autres études, c'est que les entreprises françaises même familiales ont une rentabilité faible et des bénéfices limités, ce qui les oblige à les utiliser en grande partie pour rémunérer les actionnaires et à avoir recours au financement bancaire pour leur développement. Voilà en corollaire, l'explication du « message d'amour » envoyé aux banques.

 

Une volonté de transmission familiale

 

Les répondants appartiennent pour 36% à la 1ère génération, 26% à la 2è et 38% au-delà. 58 % des dirigeants de 1re génération ont déclaré vouloir transmettre à la génération suivante. Ce taux apparaît très élevé et s'explique certainement parce qu'il s'agit sans doute de membres de FBN France qui adhèrent à l'Association justement pour qu'elle les aide à transmettre à leurs enfants.

Il me semble par contre symptomatique du tissu des entreprises françaises que les entreprises de 3è génération et au-delà soient minoritaires : il témoigne de la difficulté en France de transmettre au delà de 1, 2 ou 3 générations.

Il est certain qu'un effort est fait pour impliquer la nouvelle génération dans l'entreprise et la préparer à prendre les rênes. C'est ce qu'on répondu 53% des dirigeants. 

Toutefois 1/4 d'entre eux sont prêts à considérer ou ont déjà recours à un DG externe pour se donner du temps et identifier le repreneur au sein de la famille.

 

Alors se pose la question du financement de la transmission : le pacte Dutreil institué seulement en 2003, est cité comme étant un élément important. Il permet en effet de réduire de 75% la valeur pour le calcul des droits de mutation, de l'entreprise donnée aux héritiers, à condition que ces derniers s'engagent à conserver les titres. Mais on sait pas vraiment si il est largement utilisé. Il semble cependant que le pacte Dutreil soit insuffisant pour la transmission des grosses PME et ETI familiales. 

Favoriser la transmission familiale est un chantier encore inachevé et pourtant stratégique pour la pérennité des entreprises et de l'emploi.

 

 

 

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14 octobre 2012 7 14 /10 /octobre /2012 18:28

Tesla Motors, Inc. a été créée en plein coeur de la Silicon Valley californienne, à Palo Alto, le 1er juillet 2003, par un groupe d'ingénieurs désireux de prouver qu'une voiture électrique peut être dotée de hautes performances. Aujourd'hui, plus de 2 300 Roadsters – son premier modèle lancé en 2008, ont été vendus dans 37 pays au prix unitaire de 100 000 $.

 

Le Roadster, qui ne ment pas son nom, présente des performances exceptionnelles : il atteint le 100 km/h départ arrêté en 3,7 secondes ce qui est aussi rapide que le coupé Ferrari California 30 ou la Porsche 911 Turbo ! Sa vitesse maximale est d'environ 200 km/heure ; son autonomie selon les normes américaines de l'EPA est de 394 km avec une seule charge de batterie. Tesla a conçu un système de charge rapide qui procure une demi charge de batterie en 30 minutes, le temps de prendre un petit casse-croute avant de repartir.

La transmission est extrêmement simple, en prise directe avec une seule vitesse grâce à un moteur bénéficiant d'un couple élevé à basse vitesse. Ce moteur est un moteur alternatif triphasé qui peut supporter un courant de 900 ampères sous 375 V et délivrer une puissance de pointe de 288 chevaux. A la vitesse maximale du roadster, il tourne à 14 000 tours/mn. La marche arrière est obtenue en inversant le sens de rotation du moteur.

 Le roadster Tesla

 

Un nouveau modèle a été lancé en 2012 avec les premières livraisons en juin : la berline S avec une batterie de 40, 60 ou 85 kWh, une autonomie de 257 à 426 km, une garantie de 8 ans sur la batterie et un prix de 49 900 à 97 900 $ selon les modèles (comprenant le bonus de 7 500 $ octroyé par l'Etat américain). Tesla espère livrer 5 000 berlines S d'ici la fin 2012.

Un prototype du modèle X 4x4 a été présenté début 2012, dont les premières livraisons sont prévues pour 2014.

 

 

La stratégie

 

 

Il apparaît que la stratégie de Tesla est de :


1) nouer des partenariats industriels pour minimiser les investissements de production et amortir les développements en matière de motorisation électrique sur de plus grande séries.

C'est Lotus en Angleterre qui assemble le châssis, la carrosserie et l'intérieur du Roadster qui est terminé en Californie avec l'ensemble batterie – moteur – transmission – contrôle électronique. L'usine de Sotira 35 à Saint-Méloir-des Ondes près de Saint Malo fournit les pièces de carrosserie.

Tesla a signé des partenariats avec Toyota et Daimler et fournit ainsi la motorisation électrique des Smarts et des Mercedes Class A. Un accord de 2010 avec Toyota prévoit la fourniture de la motorisation électrique du RAV4

Le partenariat avec Daimler a été couplé à une prise de participation dans Tesla Motors de 10%, en 2009.


2) développer un réseau propre pour la commercialisation des voitures et pour la recharge rapide des batteries.

A ce jour, aux Etats-Unis, Tesla a ouvert 18 agences dont 4 en Californie et 10 centres de service ; il y a 13 agences en Europe et 7 centres de service et 2 agences en Asie et 2 au Canada. L'agence française est située 41 avenue Kléber à Paris. D'autres ouvertures sont en projet pour compléter ce réseau.

Le 24 septembre 2012, Tesla a annoncé l'ouverture de 6 stations de recharge en Californie, nommées « Supercharger ». Ces stations ont une capacité de charge de 100kW, soit par exemple recharger complétement la batterie de 40kWh d'une berline S en 24 minutes. Elles sont alimentées par des panneaux solaires, ce qui rend possible un fonctionnement à énergie positive, où elles délivreraient plus d'électricité au réseau qu'elles n'en consomment tout en alimentant les voitures qui s'y arrêtent. C'est au moins ce qu'annonce Tesla pour répliquer à ceux qui prétendent que les voitures électriques ne font que transférer les besoins en énergie aux centrales thermiques au gaz ou au charbon et n'abaissent pas vraiment les émissions de CO2.

Le projet est de mettre en place des Superchargers sur tout le territoire américain en 2013.

 

3) progressivement élargir la clientèle potentielle avec des modèles plus abordables ;

Elon Musk, cofondateur et président de Tesla, – il est aussi le cofondateur de X.com devenue Paypal et de Space X, a annoncé la stratégie de Tesla en 2006 : réaliser d'abord une voiture haute performance alors que le coût de la technologie développée par Tesla est encore élevé car à peine sortie des laboratoires de R&D et parce que les volumes de production sont encore faibles. La clientèle, comme on pouvait l'espérer, s'est ruée sur cette voiture relativement chère. Elon Musk prévoyait déjà la berline S ainsi qu'un modèle encore plus économique à venir ensuite.

Les efforts de développement de Tesla portent avant tout sur l'industrialisation et l'amélioration de la technologie de motorisation électrique, visant des coûts en baisse et de meilleures performances. C'est ainsi que la production des 2 500 Roadsters de première génération a cessé en janvier 2012. Il ne semble pas que Tesla projette de relancer la production des Roadsters à court ou même à moyen terme. C'était donc vraiment un produit d'appel, pour faire connaître la société et sa technologie, en même temps que les efforts de développement étaient poursuivis. On peut pronostiquer que les Roadsters vont devenir des objets de collection de valeur ...

 

 

Les finances

 


Aujourd'hui Tesla Motors n'est pas encore profitable et a déjà « grillé » plus de 556 millions $ en frais de développement et de marketing au 30 juin 2012. A cette date, il y avait encore 210,6 million $ en réserve.

Avec la montée en volume de la production des berlines S, Tesla prévoit d'atteindre le point d'équilibre fin 2012 et devrait commencer à gagner de l'argent en 2013.

Tesla a mené plusieurs tours de table financiers auprès d'investisseurs privés comme les co-fondateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page et l'ancien président d'eBay, Jeff Skoll et des fonds d'investissement, avant d'être introduite en Bourse en 2010, alors qu'elle ne gagnait pas encore d'argent.

Ce qui est un peu inhabituel dans le domaine « mature » de la construction automobile !

 

Tesla est vraiment une affaire à suivre, qui tirera sûrement, à l'avenir, face aux constructeurs traditionnels, un grand avantage de ne pas avoir une activité en déclin, celle des voitures à moteur thermique.

 

 

 

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29 septembre 2012 6 29 /09 /septembre /2012 21:24

La SNCF sait que l'environnement des transports va devenir de plus en plus concurrentiel en France où elle réalise près de 80% de son chiffre d'affaires. Elle s'attache donc à améliorer sa compétitivité en France, avec l'aide bienveillante de l'Etat qui finance le TGV, des régions qui achètent pour elle des rames de TER, des entreprises qui la subventionnent par le versement transport et en s'adossant à une dette de près de 16 milliards € (*), qu'on peut considérer comme garantie de manière illimitée par l'Etat français.

 

Mais la SNCF n'a pas les ressources nécessaires pour développer et financer ses filiales et même les manager comme des entreprises normales. On a vu comment elle a laissé SeaFrance péricliter jusqu'à la liquidation, comment elle a fait reprendre Sernam par sa filiale Geodis, alors qu'elle l'avait vendue en mauvais état aux cadres dirigeants en 2005 ; cette reprise a permis d'éviter un drame de l'emploi, mais a fragilisé Geodis au passage.

 

Sa filiale de ferroutage Novatrans était en grandes difficultés avec des pertes de 18 millions € en 2011 et 13 millions € en 2010, sur des ventes respectives de 87 millions € et 80 millions €, et des capitaux propres négatifs de – 15,7 millions € au 31 décembre 2011 ! Faute d'une recapitalisation d'urgence, elle allait à la liquidation. Le groupe Charles André vient de lui apporter la solution cette semaine, en proposant la reprise de 110 salariés sur un total de 257 ; les autres iront grossir les effectifs de la SNCF … Voilà une reprise dont on ne va sans doute pas beaucoup parler : encore une filiale d'un groupe public qui partait à la dérive, sauvée par un groupe privé !

 

Ce qui est plus grave, c'est que la SNCF n'a pas la possibilité de permettre à un de ses plus beaux fleurons : Geodis, de se développer à l'international en logistique et en transport de frêt, alors que le marché français et européen devient plus difficile, notamment avec la concurrence d'Euro Cargo Rail (filiale de Deutsche Bahn) et d'Eurotunnel. En effet, selon Les Echos, cet été, Geodis ambitionnait de racheter Phoenix International, basée dans l'Illinois, pour 500 millions $. Cette entreprise de 2000 salariés et 800 millions $ aurait permis à Geodis d'accentuer sa présence en Amérique du Nord. La seule solution possible était de financer par de la dette, ce qui n'a pu passer compte tenu de l'énorme endettement du groupe. Un concurrent américain de Geodis, C.H. Robinson a donc racheté Phoenix.

 

Naturellement, personne ne songe à privatiser, même partiellement, la SNCF. Pourquoi ? On peut se le demander, en partie certainement à cause d'un manque de courage politique. Il faudrait d'abord la transformer en société anonyme, puis ouvrir le capital peut–être à hauteur de 15% comme on l'a fait pour EDF. Cela permettrait au groupe de se financer autrement que par de la dette, de se développer à l'international, d'utiliser son savoir-faire sur des marchés en croissance, et finalement mieux contribuer à la richesse nationale. Je suis prêt à parier que les politiques qui oseront le faire ne sont pas encore nés.

 

(*) dettes financières de 15,839 milliards € tiré des comptes 2011 publiés sur le site ; différent des chiffres publiés par la presse (8,3 milliards €) : pourquoi ?

On notera au passage que la dette de RFF (à qui la dette de la SNCF a été transférée en 1997) à fin 2011 est de 28,6 milliards € et augmente de 1 à 2 milliards € par an. La SNCF a donc réussi à se reconstituer une dette de près de 16 milliards en 15 ans ! Voilà de belles bombes à retardement qui vont un jour sauter à la figure de qui ? 

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 19:26

L'organisateur du forum bien connu de Davos, le World Economic Forum, vient de publier la version 2012 de son étude annuelle sur la compétitivité des nations. Cette étude est réalisée chaque année en collaboration avec de nombreuses universités, écoles et centres de recherche comme HEC, LSE (London School of Economics), Bocconi (Italie), IESE (Espagne), Tianjin (Chine), etc... ce qui garantit sans doute que les données et les résultats soient d'une bonne fiabilité. Curieusement, aucun organisme américain n'est cité parmi les partenaires de cette étude en 2012.

Ces études sont une mine d'informations sur les forces et les faiblesses des nations, et sûrement une ressource pour les entreprises projetant de se développer internationalement.

 

Le classement des nations

 

Cette année les dix premières sont dans l'ordre : Suisse, Singapour, Finlande, Suède, Pays-Bas, Allemagne, Etats-Unis, Royaume-Uni, Hong-Kong et Japon.

La France se classe au 21è rang derrière notamment le Danemark (12), la Norvège (15), l'Autriche (16) et la Belgique (17). Sept pays de l'UE sont ainsi présents parmi les 20 premiers. Les micro-pays tirent remarquablement bien leur épingle du jeu avec Singapour nº2, Hong Kong nº9 et Quatar 11ème.

 

Les autres pays européens se retrouvent plus loin avec : Luxembourg (22), Irlande (27), Estonie (34), Spain (36), Tchèquie (39), Pologne (41), Italie (42), Malte (47), Portugal (49), Slovénie (56), Chypre (58) Slovaquie (71), et la Grèce (96) en lanterne rouge, ce qui n'étonnera personne ! Cette étude confirme la grande disparité de compétitivité existant entre les pays de la zone euro. On peut bien sûr argumenter sur la méthodologie et les résultats, notamment sur la façon dont les différents critères de compétitivité sont pondérés les uns par rapport aux autres. Mais vu la qualité des contributeurs à ces études, il doit y avoir beaucoup de vrai dans ce qu'elles obtiennent. 

 

La Chine qui fait office d'épouvantail sur la scène économique mondiale est toujours au 29è rang, en progression de 5 places seulement depuis 2007. Ceci tendrait à démontrer que la croissance si chère à nos politiques n'est pas liée à la compétitivité : les économies européennes en croissance faible depuis des années se classent toujours largement devant les 5 BRICS, Brésil (48), Russie (67), Inde (59), Chine et Afrique du Sud (52) dont les taux de croissance sont bien supérieurs.

 

Dans la mesure où la méthodologie est maintenue année après année, il est certainement encore plus significatif d'examiner les évolutions depuis 5 ans (avec les données disponibles sur le site du forum).


Examinons d'abord les pays de la zone euro puis les autres de l'Union Européenne :

 zone€

Le tableau ci-dessus montre que, pour certains pays de la zone euro, l'évolution est défavorable et leur compétitivité baisse par rapport aux autres. Que la Grèce et dans une moindre mesure l'Espagne et le Portugal perdent en compétitivité, ne surprendra personne. Mais d'autres pays qui ne font pas parler d'eux : la Slovaquie, la Slovénie et même l'Estonie sont en perte de vitesse. Seule Malte monte de manière marquante dans le classement. Les autres pays conservent à peu près leurs positions (variations de classement ≤ ±5).

 

L'on parle beaucoup du contrôle du déficit public, de la dette excessive que les Etats de la zone doivent contrôler. On évoque de plus en plus le projet de contrôler les budgets. Mais ne devrions-nous pas examiner aussi la compétitivité des économies, les unes par rapport aux autres et leurs évolutions ? Le budget de la l'UE entretient depuis des années des programmes de soutien des régions aux économies les moins florissantes. Est-ce bien efficace ? On peut en douter.

 autres UE

On voit notamment que les pays de l'Europe de l'Est suivent des voies divergentes : la Pologne est nettement sur la meilleure pente, sa proximité de l'Allemagne et des pays du Nord lui étant certainement favorable, alors que la Tchéquie, initialement en avance sur ses voisines, perd du terrain, la Roumanie est en stagnation à un faible niveau, la Hongrie est sur la mauvaise pente, la Bulgarie est elle sur la bonne voie avec un long chemin à parcourir et les trois pays baltes ont des difficultés.

 

A l'opposé, les pays du Centre et du Nord de l'Europe, apparaissent plus que jamais comme un pôle de super-compétitivité, le Centre-Sud (France, Belgique, Autriche) constituant un étage intermédiaire face au Sud et à l'Est ! Contrairement à ce qu'on en entend sur tous les tons, l'Europe n'est pas en déclin : il y a seulement un découplage entre les pays de tête et les autres, certains comme la France ayant de gros efforts à faire pour rejoindre la tête. 

 

La France

 

La France a perdu 3 places entre 2011 et 2012. C'est en grande partie à cause d'une baisse de la confiance dans les institutions (-4 places) et dans le secteur financier (-13 places). Le point fort reste l'infrastructure en transport, énergie et communications qui est l'une des meilleures du monde (4è).

L'enseignement supérieur, l'apprentissage et la formation continue sont seulement 27è. Les autres points forts sont l'adoption par les entreprises des nouvelles technologies permettant des progrès de productivité (14è) et l'innovation (17è).

Le manque de flexibilité du marché du travail, les médiocres relations entre employés et employeurs (111è) et les systèmes d'imposition aux effets pervers (128è) sont perçus comme affectant le plus la compétitivité de la France. Le lecteur notera qu'il n'est pas question du coût du travail !

 

Le reste du monde et les BRICS

 

On constate que les Etats-Unis perdent des places, en particulier, selon l'étude, à cause de la mauvaise opinion des milieux d'affaires envers les institutions et la classe politique et la crainte d'une mauvaise utilisation des fonds publics. Le manque de stabilité macroéconomique reste la plus grande faiblesse du pays (111è).

 BRICS    

Le pays qui paraît progresser le plus rapidement est le Brésil, gagnant 24 places en 5 ans. A l'évidence, pour un chef d'entreprise contemplant la carte du Monde et se demandant vers quel pays porter ses efforts d'investissement, le Brésil est très attirant, avec cependant encore de grands progrès à faire : faible confiance dans la classe politique, faible efficacité des administrations, trop de règlementations, complexité des procédures pour créer une entreprise, effets pervers des impôts. Mais c'est le 7ème marché au Monde.

 

Les 12 piliers de la compétitivité

 

A partir de nombreux travaux d'économistes depuis des dizaines d'année, l'index de compétitivité globale des études a été déterminé comme une moyenne pondérée de 12 facteurs :

  1. qualité des institutions, efficacité de leur fonctionnement, attitudes des gouvernements envers les marchés, indépendance du système judiciaire ;

  2. infrastructure efficace et largement implantée ;

  3. stabilité de l'environnement macroéconomique, niveau de la dette publique et des déficits, des taux d'intérêt, de l'inflation ;

  4. santé publique et qualité du système d'enseignement primaire ;

  5. qualité de l'enseignement supérieur, de l'apprentissage et de la formation continue ;

  6. efficience des marchés de produits et services, niveau de concurrence et des interventions étatiques ;

  7. efficience et flexibilité du marché du travail

  8. degré de développement des marchés financiers, qualité du secteur bancaire ;

  9. rapidité et capacité d'adoption des nouvelles technologies, amélioration de productivité ;

  10. taille du marché, permettant des économies d'échelle ;

  11. degré de sophistication de l'environnement des affaires, profondeur des réseaux, qualité des stratégies d'entreprise et de leur fonctionnement ;

  12. innovations techniques et non techniques (savoir-faire, conditions de travail, …)

 

En regardant ce qui se produit autour de nous depuis quelques mois et en le mettant en perspective avec les 12 piliers de la compétitivité, il y a ample matière à s'inquiéter de l'évolution de l'environnement économique. Sur quels piliers y a t'il eu des progrès ? Ne constate-t'on pas qu'il y a un plus grand nombre de piliers en régression ?

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 16:10

L'Institut Pasteur est un foyer assez remarquable de création d'entreprises dans le domaine des biotechnologies : depuis 1987, plus de 15 entreprises ont été créées à partir de ses travaux de recherche. Pour les accueillir, un incubateur Pasteur Biotop a été fondé en 2000. Actuellement, ces entreprises génèrent un chiffre d'affaires global d'environ 35 millions € et emploient plus de 250 personnes. Deux d'entre elles ont été introduites en Bourse sur Alternext : Hybrigenics et Cellectis.

 

Les jeunes pousses incubées à l'Institut Pasteur ont des besoins de financement très différents des sociétés de l'Internet et de logiciel, fréquemment bien connues du public. Souvent, ces dernières peuvent aller loin dans le développement de leurs produits avec des ressources limitées ; elles peuvent aussi générer rapidement du chiffre d'affaires. Au contraire, dans le domaine des thérapies, du diagnostic, de la médecine, plus généralement des biotechnologies, des fonds importants sont nécessaires afin de conduire la recherche et surtout les essais pré cliniques puis cliniques ; et les premières ventes sont réalisées plusieurs années après les premiers résultats de la recherche.

 

Theravectys lève 7,5 millions €

 

Parmi les jeunes entreprises de l'Institut Pasteur, Theravectys poursuit le développement de vaccins basés sur la technologie dite des vecteurs lentiviraux ; la première application visée est celle d'un vaccin curatif contre le SIDA.

Theravectys vient de réussir une levée de fonds d'un montant de 7,5 millions €, la troisième depuis sa création en 2007, en vue notamment des essais cliniques de phase I et II de ce vaccin. Beaucoup d'espoirs sont fondés sur ce nouveau vaccin, en particulier parce qu'il sera curatif et permettra d'éliminer les polythérapies coûteuses et contraignantes, auxquelles les pays en voie de développement n'ont pas accès.

 

Fait remarquable, cette levée de fonds a été entièrement réalisée avec dix investisseurs privés, dont le fonds Tethys détenu par la famille du fondateur de l'Oréal et des personnalités et entrepreneurs du monde la finance et de l'alimentaire … Tout se passe comme si ces investisseurs, des business angels de « gros calibre », prenaient la place des acteurs traditionnels du capital risque, les fonds d'investissement de « private equity ».

 

Il y a quelques mois, en octobre 2011, une autre jeune entreprise de l'Institut Pasteur, Cellectis a, elle aussi, levé des fonds, 50 millions €, grâce pour la moitié, à un investisseur privé, chef d'entreprise diplômé de Centrale Lyon, venant de l'industrie des équipements électriques. L'autre moitié a été apportée par l'Etat (le FSI) ...

 

Les intermédiaires financiers sont à l'évidence court-circuités, peut-être en partie à cause de leurs mauvais résultats au cours des dix dernières années comme on le constate en parcourant mon récent article ; ils sont donc affairés à sauver leurs participations et ont beaucoup de mal à lever de nouveaux fonds. Il y a aussi l'effet des règlementations Bâle III et Solvabilité II qui entraînent la fuite des banques et des assureurs : ils abandonnent leur rôle de financement de l'économie dans les domaines comme le capital risque où il faut avoir des équipes solides pour effectuer les bons choix d'investissement et où la rentabilité est sujette à de forts aléas.

 

On a déjà vu dans le domaine de l'Internet que les entrepreneurs qui réussissent, se regroupent pour créer leur propre véhicule d'accompagnement des jeunes pousses dans leur domaine ; certains même comme Xavier Niel ou Marc Simoncini, lancent leur propre structure de financement. Naturellement, ils se sentent bien plus à l'aise que d'autres pour juger personnellement de la qualité des créateurs et de leurs projets.

 

Tout ce que l'on peut espérer, est que ces investisseurs privés tiennent bon et restent avec nous, malgré « la chasse aux riches » en cours actuellement.  

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 17:09

Avant la conférence sociale début juillet 2012, l'institut COE-Rexecode (*) a publié une étude macro économique sur la situation des entreprises en France, à partir des données de l'INSEE. Selon le président de l'institut, « le tissu productif français a subi un double choc au cours de la dernière décennie. D'abord, un choc de coût lié à la réduction de la durée du travail au début des années 2000, suivi ensuite par une forte récession (en 2008-2009) qui a accentué la dégradation des capacités financières des entreprises. »

 

L'institut constate une rupture de tendance au tournant de l'an 2000 : au sein de la zone Euro, la part des exportations françaises vers le reste du Monde s'est maintenue autour de 16% dans les années 90 puis a chuté progressivement jusqu'à 13,1 % en 2011, avec toutefois une relative stabilisation à partir de 2007 (entre 13,4 et 13,1 %), témoin d'une perte des parts de marché et de compétitivité.

Plus près de nous, entre 2007 et 2011, le PIB (produit intérieur brut) a stagné, sa croissance de 5,7 % en € correspondant à la hausse des prix, indiquant que l'effet de la crise financière de 2008-2009 n'a pas encore été surmonté.

Dans ce laps de temps, la valeur ajoutée (**) des entreprises (hors entreprises individuelles, agriculture, secteur financier et activités immobilières) a diminué de 1,2 % (sa croissance a été inférieure à l'inflation). A l'opposé, le revenu disponible brut des ménages a augmenté de 2,6 %, partagé entre 50 % d'augmentations de salaires et 50% de prestations sociales. La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises a en effet augmenté de 64,6 % à 67,8 % – ce qui est supérieur de 2 % au niveau moyen des années 90 ; alors que l'EBE des entreprises (ce qui reste de la valeur ajoutée après paiement des salaires, charges sociales et impôts) a lui diminué de 11 %.

 

Plus généralement, depuis 2000, le taux de marge des entreprises (EBE/valeur ajoutée, 30,7 % en 2000 et 31,7 % en 2007) est tombé à 28,6 %, son plus bas niveau depuis 1985.

De 2000 à 2011, la situation financière des entreprises s'est donc dégradée :

  • baisse du profit net (après amortissements) de 63,2 à 56,1 milliards € (après correction de 19,8 % pour l'inflation),

  • baisse de l'autofinancement de 7 % (capacité de l'entreprise de financer elle-même son développement commercial et ses investissements)

 

On remarquera au passage que, dans les faits, et malgré la crise financière de 2008-2009, le précédent gouvernement a "respecté" sa promesse de privilégier le pouvoir d'achat des salariés et il l'a fait à peu près à parité d'une part au détriment de la marge des entreprises et d'autre part en augmentant le déficit public !

Maintenant, il en résulte que les entreprises qui ont puisé dans leurs fonds propres et emprunté pour investir, ont des capacités de rebond très amoindries, d'autant plus que l'accès au crédit bancaire devient plus difficile, notamment à cause des contraintes de Bâle III.

Notons en plus qu'au lieu d'encourager l'orientation de l'épargne des particuliers vers le financement des entreprises qui en ont bien besoin, on met en place toutes sortes de mesures notamment fiscales qui vont dans le sens opposé. Les particuliers qui ont bien compris le message, fuient d'ailleurs la Bourse et achètent de l'immobilier.

 

Et l'industrie ?

 

Au milieu de cette évolution globalement défavorable des entreprises, en examinant le diagramme des taux de marge depuis 2000 ci-dessous, on constate que c'est l'évolution de l'industrie manufacturière qui en est presqu'uniquement la cause ; en effet, la construction et le bâtiment vont même mieux en 2011 qu'en 2000 et les services se maintiennent avec seulement une légère érosion de leur marge ; l'industrie, quant à elle, voit son taux de marge passer de 33 % en 2000 à 21,6 % en 2011, soit une baisse de 40 %. L'EBE de l'industrie est passé de 9,3 % de son chiffre d'affaires global en 2000 à 5 % en 2011 !

C'est parait-il, comme certains de nos politiques l'affirment, à cause d'erreurs stratégiques de la part de nos industriels, notamment dans l'automobile ! Mon lecteur comprendra que cette affirmation n'est pas sérieuse et ne prend pas la mesure du problème qui est global en France.

On peut dès maintenant méditer sur le fait que la construction et le bâtiment et, dans une moindre mesure, les services sont des secteurs isolés de la concurrence internationale. Bien sûr, il y a la crise du logement et il faut construire. Alors on favorise cette industrie essentiellement locale qui ne risque pas de perdre des contrats face aux coréens et autres taïwanais et en plus, on pousse les particuliers à investir dans l'immobilier (Scellier), alors que l'industrie est en danger !

taux de marge

Pourquoi cette perte de rentabilité ?

 

De 2000 à 2011, la valeur globale de la production industrielle a diminué de 1,5 %.

En parallèle, les consommations intermédiaires – tout ce qu'achète l'industrie, notamment l'énergie, les matières premières, ont augmenté de 22,9 %, ce qui a conduit à un recul de la valeur ajoutée de 8,1 %.

Côté salariés, les rémunérations ont augmenté de 34 %, le nombre d'heures travaillées diminuant de 25 % (mouvement enclenché par les 35h). Il en résulte que la part de la rémunération des salariés est passé de 61,8 % en 2000 à 72,8 % de la valeur ajoutée, le taux de marge connaissant une évolution opposée.

Il apparaît que l'industrie n'a pas pu répercuter cette hausse de l'ensemble de ses coûts dans ses prix tant en France qu'à l'export. C'est bien ce que l'on appelle une perte de compétitivité.

 

Pourtant les entreprises investissent et font de la R&D !

 

Rapporté à la valeur ajoutée, le taux d'investissement des entreprises est même plus élevé en 2011 qu'en 2000 (20 % pour 18 %). Ce qui les amène à s'endetter, faute d'un autofinancement suffisant.

Et les dépenses de R&D se situent à 7,3 % de l'EBE soit légèrement au-dessus de la période 1995 - 2010, et un peu en dessous de l'Allemagne (7,7 %), mais compte tenu de la faible rentabilité des entreprises françaises, le taux est de 1,4 % du PIB français pour 1,8 % en Allemagne ...

 

Et l'industrie européenne ?

 

D'après les données d'Eurostat, entre 2000 et 2011, l'EBE de l'industrie française a baissé de 35 %, alors qu'il a progressé de 18 % dans la zone Euro et de 51 % en Allemagne. L'EBE industriel allemand est ainsi passé de 1,5 fois à 3,5 fois l'EBE industriel français !

Le taux d'autofinancement des entreprises françaises est tombé de 88 % en 2000 à 67 % en 2011 alors que dans la zone Euro, le mouvement a été inverse, passant de 75 % à 91 %.

Et le coût du travail salarié industriel a progressé de 18 % de plus en France qu'en Allemagne.

 

Qu'en conclure ?

 

Ce qui est encourageant, c'est que pendant ces années difficiles, l'industrie française a continué d'investir en équipements et de dépenser en R&D, le crédit impôt-recherche, une mesure qui fait l'unanimité des industriels y contribuant largement. Il est certain qu'un élargissement de ce crédit d'impôt à l'innovation sous d'autres formes et pas seulement technologiques, pourrait amplifier le mouvement. Il paraît que l'avantage compétitif le plus significatif des produits français se situe dans le design et l'ergonomie. C'est donc un domaine à encourager fortement.

 

Un autre indice remarquable est le mouvement de relocalisation de certains industriels, moyennant des investissements de production importants. Se pose alors la question du financement de ces investissements : il paraît impératif d'influer sur les règles de Bâle III pour permettre aux banques françaises de développer leur rôle de financier des biens d'équipement industriel.


Récemment, le ministre des affaires étrangères a indiqué que notre réseau d'ambassades et de consulats devait amplifier son rôle économique ; c'est sûrement une excellente démarche notamment pour aider nos PME à s'implanter sur les marchés à potentiel.

 

(*) Coe-Rexecode est une association qui se présente comme le premier institut français d'études économiques, indépendant des pouvoirs publics, est né de la fusion en 2006, de Rexecode créé en 1957 par Paul Huvelin et du Centre d'Observation Economique de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. Ses 80 adhérents sont des grandes entreprises, PME, institutions financières, organisations professionnelles ou administrations publiques.

(**) Valeur Ajoutée de l'entreprise = Valeur des biens et services produits − Valeur des consommations intermédiaires (tout ce que l'entreprise achète : matières premières, produits semi-finis, services, etc.)

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 15:10

Début 2012, TEB a annoncé qu'elle rapatriait de Chine sa production de caméras robotisées de surveillance vidéo. Située à Meursault, au coeur des vignobles bourguignons, cette entreprise de 90 employés a bien choisi son moment, en pleine campagne de « patriotisme économique ». On peut penser que nos politiques ne se feront pas prier pour célébrer cette relocalisation.

 

Mais cette décision n'a bien sûr aucun rapport avec les calendriers électoraux. Fondée en 1978 par le père du dirigeant actuel, TEB a délocalisé en 2004 la production de ses caméras bulle rotatives et robotisées. Selon le dirigeant, cette démarche a été rendue nécessaire par l'arrivée sur le marché de produits coréens et taïwanais moins élaborés et surtout moins chers.

 

Après une collaboration sans accroc avec un sous-traitant chinois choisi avec soin, des problèmes de qualité apparaissent en 2009, conduisant TEB à organiser sa propre qualité sur place. Puis des doutes sur le respect de la confidentialité par le sous-traitant et le développement d'une nouvelle gamme haute résolution (de « 4è génération ») sont les principaux éléments déclencheurs ayant entraîné la décision d'organiser à nouveau la production en France.

 

A l'évidence, cette nouvelle démarche est l'aboutissement d'une réflexion stratégique : la direction de TEB a dû se rendre compte que, face aux concurrents asiatiques, la solution pour être compétitif était de prendre de l'avance avec des produits plus performants et innovants. Elle développe notamment des logiciels avancés d'analyse comportementale, certains produits étant capables de détecter des « agissements suspects » à partir d'une simple analyse des images. Et pour assurer la protection des ces innovations, la qualité de réalisation et la réactivité nécessaire pour conserver cette avance stratégique, il faut que la production ne soit pas loin des bureaux d'études et des marchés.

 

Contrairement à ce que certains cassandres prétendent, il existe des sous-traitants performants en France qui ont investi et amélioré leur productivité ces dix dernières années. C'est ce que TEB a constaté en s'adressant à des entreprises voisines, à Dijon, Chalon-sur-Saône et Oyonnax. Il lui a fallu investir elle-même 1/2 million d'euros dans une nouvelle ligne d'assemblage et au bout, ses coûts sont tout à fait compétitifs, toujours selon le dirigeant, Stéphane Bidault.

 

TEB prévoit de réaliser un chiffre d'affaires de 15 millions € en 2012, ce qui, après tout, ne lui fait pas dépasser sa meilleure année : 2008 avec des ventes de 16,4 millions € et un résultat net de 1,06 million €. A l'époque, elle avait plus de 3 millions € en trésorerie : heureusement pour elle, cela lui a permis d'affronter une baisse importante des ventes tout en investissant.

Et toujours en 2012, l'exportation contribuerait à hauteur de 25 % soit 3,75 millions : voilà en fait la grande nouveauté pour TEB. Ces dernières années, les ventes export oscillaient entre 15 et 20 % du total. Le grand effort à réaliser maintenant est de développer les ventes internationales, face à une concurrence exacerbée. Sur ce point, je ne suis pas convaincu que la bonne stratégie soit en place, avec 3 filiales : Espagne, Pologne et Shanghaï (filiale historique pour le contrôle de la production en Chine). Seule la filiale polonaise est bien placée, le dirigeant annonçant qu'il mettait l'accent sur l'Europe de l'Est et la Russie, délaissant la Chine. Les ventes sont parait-il significatives en Allemagne, mais seulement via des partenaires.

 

En fait, ce qui pénalise TEB, c'est de dépenser bon an mal an 10 % de son chiffre d'affaires en R&D. Peut-être veut-elle en faire trop, en couvrant tous les segments possibles : commerce (des grandes surfaces aux petits détaillants), distribution, logistique, banque, industrie, collectivités, ministères, transport, BTP,... ? Cela lui laisse moins de ressources pour le développement commercial. Et c'est là une faiblesse commune à de nombreuses PME françaises. Il lui faut faire croître les ventes, d'abord en Europe, puis sur des marchés plus lointains tout en limitant l'effort de R&D. C'est un effort de longue haleine, qui exige notamment des produits adaptés pour tous ces marchés, une qualité sans faille et un service disponible même pour les clients les plus lointains, tout cela dans la durée.

 

Prendre cette orientation et s'y tenir, c'est ce que je souhaite à l'équipe de TEB.

 

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