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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 14:50

L'affaire de la viande de cheval mêlée frauduleusement à de la viande de boeuf fait la Une de nos medias ; les industriels de l'agro alimentaire et les grands distributeurs sont largement cités, chacun d'eux essayant de gérer au mieux sa communication. Et pourtant on ne nous parle pas d'un acteur essentiel qui produit les analyses permettant de détecter la présence de cheval : Eurofins Scientific.

 

Le laboratoire d'Eurofins à Ebersberg en Allemagne, qui est spécialisé dans les analyses d'ADN a été le premier indépendant à confirmer la présence de viande de cheval. Depuis cette annonce, la société, s'appuyant sur son réseau de 170 laboratoires dans 34 pays, a déployé son offre de tests y ajoutant celui du Phenylbutazone, un traitement anti-inflammatoire pour les chevaux de course mais interdit aux animaux destinés à la consommation humaine. Il est certain que la règlementation renforcée combinée avec la demande prévisible provenant des acteurs de toute la chaîne de traitement et de commercialisation de la viande, va donner une nouvelle impulsion au développement d'Eurofins.

 

Et voilà qu'aujourd'hui 28 février, Eurofins annonce qu'elle lance la gamme la plus complète de services d'analyse des poissons en réponse à la publication d’études révélant des pratiques frauduleuses sur les produits de la mer ! L'ONG Oceana vient en effet de publier une telle étude qui annonce que 1/3 des poissons consommés aux Etats-Unis ne sont pas ce qui est annoncé sur les étiquettes. S'agit-il d'un effet d'annonce de la part d'Oceana faisant écho à l'affaire de la viande de cheval en Europe ? On peut penser que l'étude d'Oceana a été lancée bien avant les révélations sur le cheval qui datent du 16 janvier. Ne va-t'on pas voir aussi déferler une nouvelle fièvre en Europe sur la qualité du poisson que nous mangeons ?

 

Ce qui est certain est que notre camarade Centralien, Gilles Martin, fondateur d'Eurofins Scientific doit se frotter les mains. Le marché qu'il a choisi d'investir et de développer il y a longtemps, à la fois par croissance interne et par acquisition, celui de l'analyse des produits agro-alimentaires et pharmaceutiques, est en plein développement. Dans ce domaine, il dame le pion aux généralistes comme Bureau Veritas ou SGS. Il est aussi leader mondial des services d'analyses environnementales en laboratoire. A l'évidence, avec des chaînes d'approvisionnement et de traitement de plus en plus  longues et compliquées, l'analyse des produits alimentaires a de beaux jours devant elle.

 

Pour l'instant, Eurofins poursuit sa croissance échevelée déjà évoquée lors de l'installation du siège de l'entreprise à Luxembourg début 2012. Son chiffre d'affaires qui a été multiplié par 150 en 15 ans, est passé de 828 millions € en 2011 à plus d'un milliard en 2012. Le plan est de dépasser les 2 milliards € en 2017 !

 

La stratégie monolithique d'Eurofins

 

La stratégie d'Eurofins est fondée sur la multiplication des laboratoires d'analyse dans le plus grand nombre de pays et dans une nombre croissant de spécialités, le tout interconnecté par une informatique en réseau performante. Ce qui permet de mettre à disposition du maximum de clients l'ensemble des tests et analyses développés par l'entreprise.

Ce système repose obligatoirement sur un processus d'échantillonnage chez les clients, un envoi au laboratoire qui effectue les analyses et qui retourne les résultats avec un certain délai. Il y a là trois inconvénients majeurs : l'échantillonnage, le transport et le délai. L'échantillonnage introduit nécessairement une incertitude sur le résultat final car il est une image partielle de l'ensemble à tester, le transport peut amener une altération des échantillons et le délai limite la capacité de réaction sur les produits testés, qui sont par exemple déjà vendus ou à l'inverse bloqués en attente des résultats. Bien sûr, on observe des progrès en termes de coûts et de rapidité. Par exemple il y a douze ans, vérifier la présence de dioxines coûtait 1.000 € et demandait deux mois. Aujourd'hui, le prix est de 200 à 300 € et le test prend 48 heures. On est malgré tout encore loin du temps réel !

Cette stratégie fondée sur l'analyse en laboratoire laisse la place à de nouveaux entrants que nous pouvons appeler de nos voeux car ils apporteraient un vrai plus : il s'agirait de disposer de systèmes de test et d'analyse in-situ, si possible en continu. Les clients auraient alors la capacité de vérifier immédiatement et par eux-mêmes, par exemple les produits qui leur sont livrés ou ceux qui sont en stock ou sur les étals de vente. Ces systèmes apporteraient une amélioration notable en termes de réactivité et d'efficacité des contrôles. Il n'est sans doute pas nécessaire qu'ils soient aussi précis que les analyses en laboratoire, ce qui permettrait d'en limiter le coût.

 

Naturellement, on peut souhaiter à Eurofins de poursuivre une réflexion et peut-être des développements dans ce domaine des analyses in-situ en continu. Car négliger cette opportunité risque un jour d'enrayer la belle mécanique de développement de ce leader mondial.

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 20:49

Depuis des mois, même des années, les PME – entreprises de 10 à 250 employés, font l'objet de la plus grande attention de la part des politiques et des media : tout le monde répète à l'envi que l'espoir de l'augmentation des emplois réside en elles, que la croissance viendra de leur développement, que tout doit être mis en oeuvre pour que nombre d'entre elles prennent une autre dimension et deviennent des ETI – entreprises de 250 à 5000 employés.

 

Le mentorat

 

Un signal a été donné récemment par la signature de la Charte nationale du mentorat entrepreneurial entre l'Etat et l'IME, Institut du mentorat entrepreneurial – le 24 janvier. Ceci affiche une volonté de soutenir les entrepreneurs dans leurs efforts de développement de leur activité. L'IME est une initiative de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, inspirée par un dispositif inventé pour les créateurs d'entreprise, il y a une dizaine d'années au Québec par la Fondation de l'entrepreneurship. Grâce à ce dispositif, le taux de survie à 5 ans des jeunes entreprises est passé de 34% à 70%. Créé en 2007, l'IME est ciblé sur l'accompagnement des dirigeants d'entreprises à fort potentiel de croissance, ayant déjà au moins 2 ans de vente et 10 à 250 salariés. Les mentors bénévoles qui accompagnent ces dirigeants, ont réussi un parcours de croissance à la tête de leur entreprise et s'engagent à partager leur expérience avec les mentorés.

Depuis 2008, 6 « promotions » se sont succédées à l'IME qui affiche les résultats suivants : 106 entreprises mentorées, 1 094 emplois créés soit une croissance de 35% et une croissance globale du chiffre d'affaires de 40%, ce qui peut s'interpréter en une croissance annuelle moyenne légèrement supérieure à 10% pour chaque entreprise.

Une belle réussite donc, mais qui reste à l'évidence limitée à une petite élite.

Je soupçonne aussi que ce beau résultat provient d'une petite minorité qui a cru bien plus vite que les autres ; lesquelles autres comme certaines que je connais, ont vu leurs ventes et leurs effectifs stagner. Sans faire une analyse exhaustive de la population des mentorés, j'observe que les sociétés de conseil et de négoce dominent et qu'il y a très peu d'industriels tournés vers les marchés internationaux, les plus porteurs de croissance.

 

L'étude sur les dirigeants de PME


Comme le mentorat le suppose implicitement en s'adressant à des mentorés qui sont à la fois dirigeants opérationnels et actionnaires importants de leur entreprise, la croissance d'une PME réside d'abord dans la capacité et la volonté du chef d'entreprise qui la contrôle, de la faire évoluer, de la transformer et de l'adapter. Une étude récente publiée par Ariane Compétences & Management* s'est donnée pour objectif d'analyser et de mieux connaître qui sont ces dirigeants de PME. Cette étude a été réalisée à partir d'une enquête auprès de 483 dirigeants de PME de 10 à 250 salariés par TNS-Sofres au printemps 2012. On peut donc supposer que l'échantillon choisi est bien représentatif de la population ciblée (méthode des quotas par secteur et taille). 

 

Ariane ayant pour vocation la promotion de la formation des dirigeants, on ne sera pas étonné qu'elle indique que les vrais freins à la croissance ne sont très généralement pas liés au financement. Je suis prêt à souscrire à son affirmation qu’il est rare qu'un projet certainement viable, ne trouve pas son financement. Par contre, il est beaucoup moins sûr que la viabilité d'un projet de croissance soit assurée par l'acquisition de compétences par le dirigeant d'une PME – avec le soutien des pouvoirs publics bien sûr, ce qu'Ariane affirme avec plein d'assurance.

 

Selon l'étude, le dirigeant d'une PME est un homme (73%), 48% ont plus de 65 ans et seulement 9% moins de 50 ans, et 70% sont diplômés de l'enseignement supérieur (45% Bac+5). 83% des PME ont 10 à 49 salariés, 14% de 50 à 149 et 3% de 150 à 250. Sur l'ensemble, 71% n'exportent pas (commerce : 79%, services-transports : 81%, industrie : 48%), 14% exportent moins de 10% de leur chiffre d'affaires (industrie : 22%), 7% de 11 à 49% (industrie : 13%), et seules 4% exportent plus de 50% (industrie : 13%). Et 9% des PME industrielles ont des filiales à l'étranger.

On remarquera donc

- que les dirigeants de PME sont particulièrement âgés et ont, pour une grande part, dépassé l'age habituel de départ à la retraite,

- qu'ils sont largement diplômés : seront-ils demandeurs de formation ?

- que plus de 50% des PME industrielles exportent.

 

Il est aussi remarquable que 27% des dirigeants ont accédé à la direction par une voie familiale et 27% ont eux-mêmes fondé leur entreprise, ce qui tend à prouver que la transmission familiale fonctionne. Les questions qui n'ont pas été posées et c'est bien dommage, sont : à qui et quand envisagez vous de transmettre votre entreprise. Compte tenu de l'âge des répondants, ces questions auraient été tout à fait justifiées. Et même avec des réponses dotées d'un large degré d'incertitude, cela aurait été une précieuse source d'information sur le futur de ces fameuses PME.

 

Là où de nombreux politiques seront déçus, c'est en apprenant que 71% des dirigeants souhaitent conserver à leur entreprise une taille comparable, 8% à doubler de taille et 19% cherchent à se développer le plus possible (donc au-delà du doublement). Ce qui est remarquable est que l'appétit de développement est similaire pour ce qui est des secteurs commerce, services et industrie, et quel que soient les tranches d'âge ! Par exemple, parmi les 65 ans et plus, 69% souhaitent conserver une taille similaire, 8% doubler et 20 croître le plus possible.

 

Didier Chabaud qui a dirigé cette étude, indique que pour beaucoup de chefs d'entreprise, la croissance est un objectif parmi d'autres, non nécessairement prioritaire ; pour croître, il faut modifier la gouvernance de l'entreprise, par exemple rendre les cadres intermédiaires plus autonomes, décentraliser les décisions, il faut aussi être à l'aise avec le projet de croissance et être prêt à modifier l'organisation. Ce n'est pas obligatoirement du goût de tout le monde !

 

En un mot et c'est vraiment là l'essentiel : le dirigeant doit avoir envie de développer son entreprise, il doit en avoir l'ambition, l'énergie et le sentiment d'en être capable. Cette envie et cette ambition sont certainement une question de motivation personnelle, de personnalité et de tempérament. Ce n'est pas lié à l'âge ni au domaine d'activité de l'entreprise. Il semble qu'en Allemagne, un motif essentiel de l'appétit de croissance est le désir de transmettre une entreprise plus importante à ses enfants ; encore faut-il que les enfants soient prêts à prendre la suite ? Est-ce moins fréquent en France ?

 

* Association de promotion de la formation continue des cadres et dirigeants  

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 19:30

Dans le paysage assez désertifié de l'industrie française du test et de la mesure, une nouvelle pousse est apparue dotée d'un beau potentiel : Leosphere qui fait preuve d'une dynamique remarquable. C'est aussi un très bel exemple de l'exploitation industrielle et commerciale des inventions et de la recherche publiques.

 

Fondée par deux frères en 2004, Laurent et Alexandre Sauvage, issus du laboratoire du climat et des sciences de l'environnement du CEA et du CNRS (LSCE), Leosphere a démarré en licenciant la technologie du lidar (« Light Detection And Ranging ») développée par l'ONERA et le CEA. Cette technologie permet de réaliser des mesures dans l'atmosphère à l'aide de signaux laser.

 

Quelles sont les applications du lidar ?

 

Un lidar enregistre des mesures en temps réel à la fois de la composition de l'atmosphère (nuages, polluants) et de ses paramètres dynamiques (vent, turbulences) jusqu'à une distance de 20 km. Il trouve ainsi des applications dans de nombreux domaines : la surveillance de la pollution atmosphérique, les mesures de météo en altitude, l'analyse des vents à différentes altitudes pour optimiser l'installation et l'exploitation d'éoliennes, l'amélioration du trafic des aéroports et la recherche sur le changement climatique. Tous ces marchés sont très porteurs pour le lidar, car cette technologie apporte une grande précision, une capacité de mesures simultanées à de nombreuses altitudes et une collecte en temps réel des données.

 

Un développement échevelé

 

Très tôt, Leosphere est partie à l'international et a réalisé notamment, en 2007, l’étude de la qualité de l’air à Pékin en préparation des JO de 2008. Au printemps 2010, elle a suivi le panache de cendres du volcan islandais Eyjafjöll et a ainsi amplifié sa réputation internationale. Selon les années, ses ventes internationales, dans le monde entier évoluent entre 70 et 90%.

Les ventes de Leosphere ont progressé rapidement : 312 000 € en 2006, 1,4 millions en 2007, 4,7 millions en 2008, 7,3 millions en 2009, 8,3 millions en 2010, 13 millions en 2011 avec un résultat net de 1,5 millions € et 59 employés. Le chiffre d'affaires 2012 est prévu à 18 millions €.

 

Une coentreprise avec l'américain NRG Systems, Avent a été créée pour développer un système permettant d'anticiper les rafales de vent qu'une éolienne peut subir et de concevoir des équipements plus légers, donc moins coûteux. Avec 25 employés, Avent à engrangé 2 millions d'euros de commandes en 2012 et prévoit 7 millions pour 2013. Les dirigeants de Leosphere prédisent une croissance encore plus rapide à cette nouvelle activité, puisqu'elle a le potentiel d'équiper chaque nouvelle éolienne en construction.

 

Il y a quelques jours, Leosphere a annoncé qu'elle allait lever des capitaux à hauteur 20 millions d'euros afin de poursuivre son développement, notamment à l'international. La première tranche de 10,5 millions a été souscrite par le fonds franco-luxembourgeois Oraxys, spécialiste du domaine des technologies pour le développement durable – les cleantechs.

 

J'invite mes lecteurs à suivre avec attention ce que devient Leosphere. Manifestement ses dirigeants ambitionnent de faire de leur groupe un leader dans les technologies de mesure et d'analyse de l'environnement, un marché plein d'avenir. Après cette levée de fonds, la prochaine étape sera peut-être l'introduction en Bourse.

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 22:02

Depuis 2008, les Français réduisent leur recours au crédit, ils empruntent de moins en moins. C'est ce que l'on constate d'après les résultats d'une enquête menée auprès de 13 000 ménages en novembre 2012 par la SOFRES pour l'Observatoire des Crédits aux Ménages. En 2012, 48,6% des ménages détenaient un crédit contre 52,6% en 2008. C'est le niveau le plus bas depuis 1989 !

 

Une baisse du crédit à la consommation

 

Ce n'est pas le crédit immobilier qui baisse : il est stable autour de 31%. C'est le crédit à la consommation qui est en forte baisse : seuls 27,6% des ménages détiennent un crédit à la consommation en 2012. De 2001 à 2011, le taux a fluctué entre 30,1% et 35,4%. Le rapport d'enquête soutient que c'est la crise de la dette souveraine en 2011 qui a conduit les ménages à réviser leurs projets et à abaisser leurs emprunts. On voit là une interprétation typique de la part d'un économiste français : il prétend qu'un événement macro économique entraîne une modification de comportement, plutôt micro économique. Comme si chacun avait pris conscience que la crise de la dette souveraine avait une influence majeure sur sa vie quotidienne et était conduit à réagir. Cela n'a pas beaucoup de sens.

 

Le crédit destiné à l'achat des voitures est certainement une part importante du crédit à la consommation. Et une proportion probablement relativement stable des clients a recours à un crédit. Le marché automobile français a baissé de 14,6% en 12 mois : tout naturellement on peut estimer que le crédit automobile devrait baisser d'un montant similaire. La diminution du crédit à la consommation est de 9% en un an, de 30,2% à 27,6%. Pourquoi le marché automobile français a t'il baissé ? En grande partie, par suite d'un report des achats à plus tard : les véhicules sont de plus en plus fiables, sont garantis pendant des périodes plus longues. Alors, dans le climat actuel de grande incertitude sur l'évolution de la fiscalité et sur la situation dans beaucoup d'entreprises, finalement sur les choses qui touchent vraiment les français tous les jours – et non les phénomènes macro économiques, il n'y a pas grand inconvénient à différer un achat de cette importance, à reporter la signature d'un nouvel emprunt et à réserver à d'autres usages les sommes disponibles.

 

Un taux d'épargne exceptionnel

 

Par ailleurs, le taux d'épargne (% du revenu qui est épargné) des Français est au plus haut et bat tous les records : il s'est établi à 16,2% en 2012. A titre de comparaison, il est de 10,1% en Allemagne, 5,3% en Grande Bretagne, 3,7% aux Etats-Unis et en moyenne de 5,7% dans les 27 pays de l'UE.

 

A l'évidence, les particuliers restreignent leur propension à dépenser à la fois en empruntant moins et en épargnant plus. Pourquoi ? Ne serait-ce pas la conjonction de deux éléments :

  • l'Etat étant toujours plus dépensier sans manifester de volonté réelle de réduire son train de vie, les particuliers s'attendent à ce que les impôts vont augmenter ; il est donc important de mettre de côté ce qui sera nécessaire pour payer les futurs impôts ;

  • le régime de retraite du privé par répartition est en difficultés et les particuliers s'attachent à épargner pour préparer leur retraite ;

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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 13:43

Avec l'émergence du Web 2.0 et des sites Internet interactifs, de nouvelles plate-formes de financement sont apparues il y a environ 5 ans, c'est le « crowdfunding », le financement participatif, le financement par la foule ! la foule des internautes.

 

Le crowdfunding a démarré aux Etats-Unis avec le prêt entre particuliers et les dons et ce sont encore aujourd'hui les segments les plus porteurs. Un nouveau segment émerge : celui du financement de projets immobiliers, par exemple d'un gratte-ciel (*) ou d'un lotissement.

 

L'autre segment à fort potentiel est l'investissement direct en capital d'entreprises : il a été bloqué jusqu'à récemment aux Etats-Unis par la réglementation qui imposait notamment à un investisseur de posséder des actifs de plus de $1 million pour pouvoir prendre une participation dans un projet privé, hors du contrôle du SEC, l'autorité américaine des marchés financiers. A l'initiative de Barack Obama, le Jumpstart Our Business Startups Act, qui a été promulgué en avril 2012, permet à tout un chacun d'investir $2 000 ou 5% de son revenu ou de son patrimoine. Mais le SEC est toujours en train de définir le détail des règles protégeant les investisseurs requises par cette loi. J'observe qu'on peut se demander si il ne traine pas les pieds pour publier ces règles : le JOBS Act risque en effet d'introduire une concurrence radicale auprès des vaches sacrées de Wall Street.

 

Le numéro un du prêt, Lending Club a déjà intermédié plus d'un milliard de dollars depuis juin 2007. Lending Club a été fondée par un entrepreneur Français, Renaud Laplanche, DESS de droit, MBA à l'ISA (HEC), arrivé aux Etats-Unis en 1999, après une carrière d'avocat d'affaires dans un grand cabinet américain, Cleary Gottlieb. En 1999, il a créé TripleHop Technologies avec un ami, Matt Turck et un docteur en informatique, Joaquin Delgado pour développer un logiciel de recommandations, permettant aux internautes de bénéficier de conseils personnalisées à partir de questionnaires remplis au préalable. Avec l'éclatement de la bulle Internet, le projet a évolué vers un moteur de recherche pour entreprises qui tenait compte du profil et des précédentes requêtes de l'utilisateur : MatchPoint, qui a eu un rapide succès dans les domaines des media, des services financiers et de l'industrie pharmaceutique. TripleHop Technologies a été racheté par Oracle en 2005 et après un an, Renaud Laplanche est parti pour la Silicon Valley, lancer Lending Club.

 

Lending Club s'est positionné sur le prêt de particuliers à particuliers, directement en concurrence avec le crédit donc chaque américain dispose avec ses cartes bancaires, une sorte de ligne de crédit permanente, remboursable à volonté. Typiquement, le taux sur ces cartes est de 18% par an : Lending Club propose des taux plus faibles en moyenne de 14% et sert aux prêteurs des intérêts entre 5,66% et 10,27% selon le risque associé au prêt. Lending Club soutient qu'il est très sélectif dans l'acceptation des dossiers de prêt et vise des particuliers emprunteurs ayant les meilleures références ; il en résulte un taux de défaut d'environ 4% (le pourcentage des prêts non remboursés). Les prêteurs investissent directement pour financer les prêts accordés aux particuliers, ce qui simplifie grandement la gestion et autorise un différentiel faible entre les taux mais bien sûr, entraîne un lien direct entre le risque du prêt et celui de l'investissement. Lending Club n'assure pas ce risque. Cela n'empêche pas Lending Club de doubler le montant des sommes prêtées chaque année et d'attirer des investisseurs de plus en plus importants, naturellement attirés par des taux sans commune mesure avec les taux actuels de marché obligataire.

 

D'autres sites se développent dans le sillage de Lending Club : Prosper aux Etats-Unis, Zopa en Angleterre. Dans de nombreux pays, dont la France, les contraintes règlementaires notamment en matière de fonds propres bloqués, freinent le développement de ces plate-formes. Toutefois, Lending Club envisage de s'installer en France et des plate-formes naissent ayant pour actionnaire une vrai banque comme Prêt d'Union, filiale du Crédit Mutuel.

Le lecteur appréciera le rendement nettement plus intéressant servi par ces plate-formes comparé aux livrets divers, comptes à terme et autres SICAV court terme proposés par les banques traditionnelles, avec en même temps un faible risque. L'investisseur peut facilement modérer ce risque en multipliant les participations dans des prêts différents.

On peut s'attendre à une intensification croissante de la concurrence envers les banquiers, sur un segment particulièrement rentable pour elles : celui des emprunteurs présentant le risque le plus faible. A terme, les banques n'auront-elles plus que les emprunteurs à haut risque ?

 

(*) En Colombie, un promoteur newyorkais, Prodigy Network a financé par crowdfunding BD Bacatá, le plus haut gratte-ciel colombien, un immeuble de 66 étages dans le centre de Bogota. 3,100 investisseurs ont apporté $171.8 million sur les $239 million nécessaire pour ce projet. Prodigy est en train de lancer le même type d'opération sur un gratte-ciel 84 William Street à Manhattan.

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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 21:57

La presse de notre pays s'est emparée récemment de l'annonce qu'Esther Duflo, économiste française, allait rejoindre l'équipe du Président Obama au sein du « Conseil pour le développement global ». Créé en 2012, ce conseil de 9 membres a pour vocation d'« informer et conseiller le Président et d’autres responsables américains sur les politiques et pratiques américaines relatives au développement mondial ».

 

Esther Duflo se différencie du petit monde des économistes français : spécialiste des questions de développement et de la pauvreté, ses travaux la placent clairement dans la famille des microéconomistes ; ses collègues, pour la plupart des macroéconomistes qu'on interroge souvent dans nos media et qui ont l'oreille de nos politiques, sont eux des spécialistes des projections globales et des prévisions de conjoncture.

 

Bien que personne ne l'ait mentionné, Esther Duflo est très proche de Ronald Coase, prix Nobel 1991, dont j'ai parlé récemment. Tous deux se consacrent à l'étude de l'homme et de ses comportements économiques, et tentent d'en tirer des enseignements et des conclusions qui tendent à améliorer notre compréhension du monde autour de nous.

 

Les travaux d'Esther Duflo qui codirige le J-PAL (Jameel Poverty Action Lab) au MIT à Boston, sont centrés sur l'évaluation des actions de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement. Ses clients sont les ONG, les gouvernements locaux et les entreprises, qui s'interrogent tous sur l'efficacité des programmes. Sa méthode expérimentale d'évaluation est construite sur le modèle des essais cliniques de médicaments.

 

Comme pour un essai clinique, on définit un échantillon de taille double de celui qui va bénéficier du programme que l'on souhaite évaluer. On scinde cet échantillon en deux parties les plus comparables possible ; on conduit le programme uniquement pour une des parties et on collecte les données des deux parties en début et en fin de programme. Par exemple, on identifie 200 villages où on va construire des écoles, on en choisit au hasard 100 où les écoles sont construites, on mesure la scolarisation des enfants des deux types de villages. Quand l'expérience est terminée, en général on construit des écoles partout.

 

Esther Duflo souligne que nombre d'actions de lutte contre la pauvreté sont en échec parce qu'on réfléchit rapidement, on identifie un problème et on déverse des millions, des milliards de $, sans être sûr de leur efficacité, pendant des années ! Les politiques sont souvent définies en fonction d'un public rêvé et non du public tel qu'il est, en méconnaissant totalement la réalité du terrain. Connaissant le montant de l'aide au développement financé par l'Etat en France depuis des années, ne devrions-nous pas lui demander de l'aide ?

 

On peut se demander pourquoi Esther Duflo n'a pas créé son laboratoire en France ? La réponse fuse : l'approche des économistes français est extrêmement théorique, il n'y a pas de place pour l'expérimentation. De plus aux Etats-Unis, l'avancement n'est pas lié à l'âge et les financements sont faciles à trouver !

 

 

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 17:01

L'industrie française du logiciel se porte bien, parait-il : selon Ernst & Young, le chiffre d'affaires global des 408 éditeurs qui composent son récent panorama a progressé de 5,9 milliards € en 2009, à 6,7 milliards en 2010 et 7,4 milliards en 2011, soit une croissance de 13,5% puis de 10,4% par an. En deux ans, les effectifs ont augmenté de 15%.

 

Arbitrairement, les éditeurs de jeux video sont inclus dans ce panorama ; si ils sont exclus, ce qui est très généralement le cas dans les études de marché, les ventes du secteur sont ramenées à 5,0 milliards en 2009, 5,55 en 2010 et 6,2 en 2011.

 

En fait, Ernst & Young se place avec ce panorama, en concurrence avec un vieux routier de l'étude du secteur : Truffle Capital qui publie chaque année depuis 2005 un palmarès des 100 premiers éditeurs français et depuis 2006, celui des 100 premiers éditeurs européens. Il serait souhaitable d'ailleurs que Truffle songe à éditer celui des 100 premiers éditeurs mondiaux ! Cela ramènerait les choses dans une perspective bien plus réaliste : les logiciels sont des produits désormais facilement achetés et quasiment instantanément livrables via Internet ; en version SAAS (software as a service), ils ne sont même plus livrés mais utilisés en tant que service. Les transactions concernant les logiciels n'ont plus de frontières.

De plus l'industrie européenne du logiciel est face à de formidables compétiteurs qu'il importe de considérer : les ventes totales de logiciel des 100 premiers européens qui se montent à 37,2 milliards € sont inférieures à la somme des ventes de logiciel d'IBM ($25 Md ou 20 Md€) et d'Oracle ($26 Md ou 21 Md€). 

On notera que l'Allemagne pèse la moitié de l'industrie européenne grâce à SAP qui avec 14 Md€ en constitue 1/3.

IndieEU logiciel Truffle100

 

La clef de la croissance en édition de logiciels

 

Naturellement, ce qui différenciera un éditeur d'un autre, sera souvent sa capacité à fournir un support personnalisé aux clients et aux utilisateurs dans telle ou telle région du globe. Et c'est là vraiment la clef du développement d'une entreprise éditrice de logiciel : la croissance des éditeurs provient d'abord de leur présence dans le plus grand nombre de pays.

C'est ainsi que Dassault Systèmes qui est le leader français avec un chiffre d'affaires de 1 783 millions € (soit 30% de l'ensemble des éditeurs français !), est présent dans 35 pays et réalise 88% de son activité hors de France.

De même, le numéro 2, Murex qui est un leader mondial dans le domaine des logiciels de « trading » et de la gestion de trésorerie des entreprises, ne réalise en France que 5% sur des ventes totales de 318 millions € …

A contrario, les PME éditrices de logiciel ont 80% de leur activité en France.

Sur ce point, Ernst & Young se trompe totalement en prétendant que la R&D et le crédit impôt-recherche (CIR) qualifié de moyen de financement, sont les clés de la croissance des éditeurs. En particulier, si les plus petites sociétés consacrent 20% de leur chiffre d'affaires à la R&D, cela signifie simplement qu'adressant généralement un marché restreint, elle ne peuvent supporter leur R&D (nécessaire pour maintenir leur compétitivité face aux plus gros acteurs) qu'avec des ventes au potentiel limité par la taille de ce marché. Le crédit impôt-recherche a ceci de pervers qu'il rend la R&D relativement moins coûteuse à l'entreprise que d'autres activités stratégiques comme le développement commercial international et le support des clients localisés dans les autres pays à potentiel. 

Le discours récurrent des politiques et des responsables de lobbies comme Croissance Plus ou Syntec Editeurs en faveur de l'innovation (technologique) est absolument étonnant. A cela s'ajoute un concert de louanges en faveur d'un hypothétique Small Business Act, du statut de jeune entreprise innovante (JEI) et du CIR. Il n'est jamais question de développer la puissance commerciale, la présence sur les marchés les plus importants, le support des clients dans le Monde entier, ce qui a pourtant un impact bien plus fort sur la croissance de l'entreprise, sa capacité de résister à la concurrence et au passage sur l'équilibre de la balance commerciale du pays.

 

A quand le crédit impôt-prospection ?

 

Certains d'entre vous, chers lecteurs, êtes sans doute familiarisés avec l'« assurance prospection » proposée par la Coface, filiale de Natexis Banque Populaire. Il s'agit en fait d'une aide remboursable à la prospection commerciale sur les marchés étrangers, très similaire à l'aide remboursable à la R&D proposée par OSEO (ex-ANVAR). Ce programme de la Coface finance en partie le développement commercial dans certains pays, ce financement étant remboursé (sans intérêt) en proportion des ventes réalisées dans ces mêmes pays.

Dans la même ligne que les aides publiques aux entreprises et dans cet environnement délirant et typiquement français des crédits d'impôt, on peut imaginer qu'un crédit d'impôt-prospection soit mis en place qui rembourse en partie les frais de prospection des entreprises exportatrices, comme le crédit d'impôt-recherche (CIR) rembourse en partie les frais de R&D et le nouveau crédit d'impôt-compétitivité-emploi rembourse en partie le fait d'employer des salariés jusqu'à 2,5 fois le SMIC !

 

J'espère que cette proposition vous fera sourire mais je suis convaincu qu'elle serait bien plus efficace pour la croissance de notre économie qu'une enième amélioration du crédit d'impôt-recherche et autre statut de jeune entreprise innovante (JEI).

 

 

 

 

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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 17:00

Ronald Coase, prix Nobel d'économie, 102 ans le 29 décembre cette année, vient de publier un article dans la Harvard Business Review sur son thème fétiche : que l'économie telle qu'elle est enseignée, expliquée dans les livres et pratiquée est déconnectée de la vie des entreprises et encore plus de la création d'entreprises et de l'entrepreneuriat ; elle devient de plus en plus un instrument théorique que les gouvernements utilisent pour gérer, un instrument qui n'est plus ancré dans l'étude empirique du fonctionnement de la vie économique, dans l'étude de l'homme et de l'économie telle qu'elle existe.

 

Ronald nous explique que cela n'a pas toujours été le cas : quand l'économie moderne a émergé, les premiers auteurs, Adam Smith avec la Richesse de Nations puis Alfred Marshall, ont porté leur attention à l'étude empirique de la croissance économique et du développement des richesses. L'économie avait alors un sens pour les entrepreneurs.

 

Depuis l'économie est devenue une profession, développant des théories abstraites et impropres à guider les entrepreneurs et les dirigeants dans leur quête permanente de création de nouveaux produits à un coût toujours plus bas. Il en résulte que les entrepreneurs et les managers s'appuient sur leur propre jugement et leur expérience pour prendre des décisions.

Pire, en temps de crise, lorsque les difficultés surgissent en termes d'emploi et d'innovation, ils se tournent vers les gouvernements qui eux-mêmes font souvent confiance aux économistes et à leur vision théorique du monde économique.

 

Ronald en conclut qu'avec l'émergence de l'économie de marché et de l'entrepreneuriat dans les pays d'Asie et d'Afrique, il est temps de se remettre à étudier l'homme tel qu'il est et le système économique tel qu'il existe, avec sa grande diversité de cultures, d'institutions et d'organisations.

 

Autour de nous, on s'aperçoit depuis des décennies que l'enseignement de l'économie, une discipline universitaire qui a envahi les classes du secondaire, est largement inutile pour la vraie vie dans les entreprises. Il suffit d'ailleurs de constater que les diplômés en économie ne trouvent guère d'emplois que dans la sphère publique, et plus tard dans les cercles et autres think tanks qui essaient d'influencer les politiques. On prétend à tout moment que les Français ne comprennent pas l'économie, mais ne serait-ce pas simplement parce qu'elle est isolée de la vie réelle des entreprises, de là où ils travaillent ; quel lien y a t'il entre les théories des prix et de la monnaie et la vie de tous les jours ? La plupart des gens se disent : laissons l'économie aux experts, je n'en vois pas l'utilité à mon niveau, pour développer mon activité, mon commerce, mon entreprise, pour ma vie quotidienne.

De plus, les économistes ne sont pas crédibles, qu'ont-ils fait depuis 30 ans qu'un chômage élevé sévit en France ? S'appuyant sur les théories de Keynes, ils ont prôné toujours plus d'interventions de l'Etat, un politique de déficit public supposé générateur de croissance économique et de plein emploi. Avec quel résultat ?

 

Bien sûr me dira t'on le lobby de la profession est puissant et nourri chaque année par l'arrivée de nouveaux diplômés. Il y a 40 ans, on n'enseignait pas l'économie au lycée … revenons donc à cette situation et développons plutôt la sensibilisation des jeunes aux entreprises, à la vrai vie économique, là la valeur se crée tous les jours.

 

Dans son dernier rapport « Pour un New deal entrepreneurial », Philippe Hayat, créateur de l'association 100 000 entrepreneurs, ne dit pas autre chose dans ses premières recommandations : populariser l'entrepreneuriat auprès du grand public, assurer une sensibilisation structurée à l’entrepreneuriat pour tous les collégiens et lycéens de 13 à 18 ans.

Mais il ne va pas assez loin en omettant de proposer de remplacer l'enseignement de l'économie par celui de l'entrepreneuriat. Pourtant, il faudra bien un jour faire un choix : lequel de l'entrepreneuriat ou de l'économie est le plus important pour favoriser l'innovation, la création d'emploi et de richesse ?

 

 

 

 

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18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 23:16

La division propriété intellectuelle du groupe américain d'information Thomson Reuters publie chaque année une étude listant les 100 organisations les plus innovantes, les « Top100 ».

La méthode utilisée est fondée sur les brevets et prend en compte 4 facteurs :

  • le taux de réussite soit le rapport entre le nombre de dépôts de brevets et de brevets validés dans les 3 dernières années,

  • le nombre de brevets déposés dans les 4 marchés majeurs : Europe, Etats-Unis, Japon et Chine,

  • le degré d'influence des brevets mesuré par le nombre de citations de chacun d'eux par d'autres organisations au cours des 5 dernières années,

  • le nombre de brevets réellement innovants, c'est-à-dire citant pour la première fois une nouvelle technologie, un nouveau médicament, un processus, etc.

 

Utilisant une batterie d'indices, Thomson Reuters a déterminé que les 100 organisations les plus innovantes – qui sont principalement des grandes entreprises, contribuent plus largement à la croissance de l'économie de leur pays et à la richesse de leurs actionnaires. Elles ont notamment créé près de 125 000 emplois en un an. Leur valeur boursière a augmentée de 15% en un an, d'octobre à octobre.

 

On clame sur tous les tons que la France est en retard en innovation, hors elle se retrouve classée troisième avec 13 organisations dans les Top100, après les Etats-Unis (47) et le Japon (23). Et la France progresse, passant de 11 à 13 en un an. L'Allemagne elle, est dans le fond du classement avec une seule organisation (Siemens) en recul par rapport à 2011 (4). La Corée du Sud fait des progrès importants avec 7 organisations contre 4 en 2011. On remarquera l'absence de la Chine qui est maintenant le premier déposant de brevets au Monde. Ceci est expliqué parce que les entreprises chinoises visent essentiellement la protection de leurs innovations en Chine même et seulement 6% des brevets sont actuellement déposés hors du pays.

 

Les organisations françaises retenues sont : 7 grandes entreprises (Alcatel-Lucent, Arkema, EADS, L'Oréal, Michelin, Saint-Gobain et Snecma), 3 organismes de recherche (CEA, CNRS et IFP Energies nouvelles) et Renault, Thales et Valeo qui figurent dans le classement pour la première fois. On retrouve la dominance des organismes de recherche étatiques et d'industries relativement matures : aéronautique et automobile, et l'absence de l'informatique et de l'électronique.

Il y a plusieurs biais évidents dans cette étude : les grands groupes dans le Top100 sont pour les plupart très internationalisés. Ils sont seulement identifiés par le pays où leur siège social est situé, ce qui peut n'avoir que peu de rapport avec le ou les pays où sont situés les centres de recherche et les établissements en pointe sur l'innovation. Trois exemples : ST Microelectronics a son siège en Suisse, n'y fait pas de R&D et ses principaux centres de recherche sont en France et en Italie ; Alcatel-Lucent dont le siège est en France, a la majorité de ses chercheurs dans les Bell Labs aux Etats-Unis, en Chine, Irlande, Belgique, Allemagne, Corée du Sud et …. France ; EADS a des activités de développement essentiellement en Allemagne et en France, à parts a peu près égales.

 

La méthode utilisée est-elle la bonne ?

 

Pourquoi l'Allemagne, premier exportateur mondial et dont l'excédent commercial fait pâlir d'envie de nombreux pays, est-elle si mal placée et de plus perd des places dans le Top100 par rapport à 2011 ? Pourtant sa position économique est toujours aussi forte, les entreprises allemandes sont largement réputées pour leur garnde capacité d'iinovation et il y en Allemagne autant de grandes entreprises qu'en France. Cela conduit à penser que la méthode de mesure de l'innovation utilisée par Thomson Reuters est très imparfaite. 

Dans le domaine automobile, Volkswagen et Nissan ne sont pas présentes alors qu'elles sont renommées par leurs capacités d'innovation, sans doute bien plus que Renault ou Ford qui elles sont citées dans le Top100.

Les 3 organismes de recherche français présents sont peut-être à la pointe dans le dépôt de brevet mais confient à d'autres leur exploitation, leur industrialisation et leurs applications. Ce transfert ne paraît guère efficace vu le faible nombre d'entreprises de croissance qui en sont issues. De plus les entreprises, surtout en émergence, à qui sont concédés ces brevets sont à la merci de concurrents plus gros qui peuvent attaquer les brevets qu'ils exploitent. Les centres de recherche se gardent bien de les défendre et les startups n'ont pas les moyens de le faire, une telle défense coûtant en moyenne 1 million $.

 

En fait, il apparaît que les brevets deviennent de plus en plus souvent des armes « atomiques » utilisées par les grands groupes pour affaiblir et bloquer les concurrents. Les combats récents entre Apple et Samsung en sont témoins. Que Google rachète à prix d'or le portefeuille de brevets de Motorola en est un autre.

 

A l'opposé, la grande majorité des dirigeants de PME et même d'ETI se refusent à déposer des brevets. Leur philosophie est que la compétitivité provient d'abord de l'avance technologique et de savoir-faire qu'ils arrivent à maintenir face à leurs concurrents, sans qu'il soit nécessaire de déposer des brevets. Ils considèrent que le dépôt de brevet rend visibles à leurs concurrents les domaines et les orientations de leurs développements, facilitent la veille technologique de ces mêmes concurrents et la poursuite de développements visant à contourner les brevets.

 

Le brevet unitaire européen

 

Un autre facteur spécifiquement européen a longtemps conduit les entreprises à renoncer au dépôt de brevet : afin d'obtenir une protection dans tous les états membres de l'UE, le coût moyen était de 36 000 €, car il fallait traduire le brevet dans toutes les langues et payer des redevances dans chaque pays. Aux Etats-Unis, le coût moyen du dépôt d'un brevet est de 2 000 € et en Chine 600 € !

Après 30 ans d'efforts, les européens viennent enfin de lancer le brevet unitaire, à la majorité relative permise par le traité de Lisbonne. Un brevet pourra être publié en une seule langue, français, anglais ou allemand. Adieu les frais de traduction et les redevances à payer dans chaque pays ! 25 pays se sont mis d'accord, l'Italie et l'Espagne restant en rade, ayant refusé de renoncer à la publication dans leurs langues. Et une seule cour de justice sera compétente pour les litiges.

Il paraît que c'est une grande victoire, mais n'est-ce pas un peu tard pour l'industrie européenne ? Je suis tenté de considérer que les entreprises, surtout les PME et ETI notamment allemandes ont appris à développer leur compétitivité dans le monde entier sans le secours des brevets.

 

Et je conseillerais à Thomson Reuters d'envisager d'autres éléments pour mesurer l'innovation des entreprises et des pays. Le brevet semble un outil qui ne sert plus vraiment à la protection de la propriété industrielle et de l'innovation.

Alors quels éléments utiliser ? On pourrait prendre en considération par exemple les budgets R&D des entreprises en absolu et relatifs à leur chiffre d'affaires, le nombre de docteurs travaillant en entreprises, le montant des contrats de recherche entre entreprises et organismes spécialisés publics et privés (pour l'Allemagne, Max Planck Inst., Inst. Franhaufer, ...), une mesure de la croissance des jeunes pousses comme le chiffre d'affaires global des entreprises de moins de 3 ans et sa progression d'une année à l'autre.



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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 17:39

Créée en 2007 à Paris, par Pierre-Emmanuel Calmel et Mathias Moronvalle, tous deux ingénieurs issus des laboratoires de recherche de Nortel associés avec trois entrepreneurs passionnés de musique et experts en design et en marketing, Devialet lance son premier produit en 2010, un amplificateur audio aux performances inégalées jusqu'à ce jour. Le point de départ est la conception d'une nouvelle technologie d'amplification du son, hybridant l'analogique et le numérique, l'ADH®.

 

Dès la première année de commercialisation, Devialet a réalisé 1 million € de ventes et prévoit des ventes de 4 millions € en 2012, son unique produit, l'amplificateur D-Premier, ayant déjà été vendu à 1 300 exemplaires à 11 920 € pièce !

 

La vision des fondateurs est de créer une nouvelle génération de produits audio aux performances exceptionnelles, au design innovant et délivrant un excellent rapport performances – prix. Selon le dirigeant de Devialet, Quentin Sannié, la stratégie est d'intégrer la technologie et de proposer la même qualité dans un produit à un prix inférieur à 1 000 €.

 

Pour financer le développement, les fondateurs ont d'abord apporté 500 k€, puis ont réalisé deux levées de fonds successives en février et octobre 2010, chacune de 1,1 millions €, auprès de 80 investisseurs individuels, enthousiasmés par le projet et issus de leurs réseaux professionnels.

 

Afin d'accélérer en 2012, l'équipe de Devialet s'est adressé à de nouveaux investisseurs aux poches plus profondes : Marc Simoncini (Meetic), Xavier Niel (Free), Jacques-Antoine Granjon (Ventes privées.com) et Bernard Arnault (LVMH), qui apportent chacun 3 millions €. Les 80 actionnaires historiques apportent aussi 3 millions €.

 

Avec ces 15 millions € levés en novembre 2012, il est prévu de développer un nouveau produit miniaturisé et toujours aux performances exceptionnelles d'ici 4 ans et de poursuivre l'expansion commerciale dans le Monde entier. Il y a déjà un réseau de 120 boutiques dans 30 pays et un magasin pilote rue Réaumur à Paris. L'ambition est de prendre une part significative du marché mondial qui est, parait-il, de 500 millions d'amplificateurs audio par an …

 

On notera au passage que les cartes électroniques du D-Premier sont réalisées par une entreprise d'une centaine de salariés située à Vire en Basse-Normandie, Seprolec, qui travaille aussi pour le médical, la défense et l'aéronautique.

 

Depuis les débuts de l'entreprise, les dirigeants ont souhaité rassembler autour d'eux des investisseurs qui soient des entrepreneurs et des passionnés et ne pas avoir affaire à des fonds d'investissement. N'est-ce pas à nouveau un signal que dans le domaine de la création et du développement des entreprises, de leur financement, il se produit une sorte de désintermédiation ?

Les fonds de capital risque qui ont des difficultés pour lever de nouveaux capitaux, en grande partie sans doute du fait de leurs mauvaises performances, laissent de plus en plus la place à des investisseurs privés. Ceux-ci se passionnent pour les projets, apportent leurs carnets d'adresse et en définitive, favorisent directement le succès des jeunes pousses dans lesquelles ils investissent.

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