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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 21:53

Le grand public a découvert les hedge funds en 1992 lorsque George Soros, estimant que l'Angleterre en récession ne pourrait supporter les contraintes du système monétaire européen (SME, le prédécesseur de l'€), a vendu à découvert 10 milliards de livres sterling et a obligé la Banque d'Angleterre à sortir du SME. Depuis les hedge funds continuent de faire parler d'eux, sans que l'on en sache grand chose.

 

On peut définir les hedge funds comme des fonds d'investissement non cotés recherchant une diversification du risque par rapport aux portefeuilles classiques d’actions et d’obligations. Leurs objectifs affichés sont des rentabilités stables et élevées. Ils prétendent « faire de l'alpha », c'est-à-dire qu'ils seraient capables d'augmenter la part α du rendement des investissements qui est affranchie de tout risque par rapport aux investissements classiques ; en quelque sorte d'obtenir des rendements élevés sans risque. En fait les experts considèrent que leur profil de risque est très éloigné des risques des marchés classiques avec un biais important vers les pertes à la fois extrêmes et très rares.

 

A l'origine, seuls des investisseurs privés, des personnes fortunées ont investi dans les hedge funds. Ces derniers pouvaient alors légitimement se présenter comme des gérants de fortunes privées. Mais depuis le début des années 2000, les rendements financiers étant devenus faibles, les institutionnels notamment les banques, les assureurs mais aussi les fonds de pension, les agences gouvernementales et même les universités américaines ont investi dans les hedge funds. Le nombre de fonds est passé de 3800 en 2000 à plus de 10000 en 2007. Dans le même temps, le volume des fonds investis a presque quadruplé, passant de 500 milliards de $ à près de 1900 milliards de $. Sur un montant global d'environ 1 300 milliards de $ en 2009 (selon Hedge Fund Research), 6% seulement est détenu par la clientèle privée.

 

Les hedge funds mettent en oeuvre une grande variété de stratégies d'investissement.

Ils utilisent abondamment

  • les produits dérivés, en particulier les options,
  • la vente à découvert c'est-à-dire la vente de titres que l'on ne possède pas dans l'espoir de les racheter à un cours inférieur au cours de vente,
  • l’effet de levier, c’est-à-dire la capacité à engager un volume de capitaux emprunté qui soit un multiple plus ou moins grand de la valeur des capitaux propres dont on dispose.

 

Selon les experts, notamment Michel Aglietta, professeur à Nanterre et membre du Conseil d'Analyse Economique, les hedge funds sont des propagateurs de risque systémique. Il y a souvent une forte corrélation entre leurs stratégies provoquées par un même événement de marché, ce qui peut conduire à des situations de « stress », des ruptures d'équilibre, les marchés ne pouvant opérer d'ajustement. C'est ce qui s'est produit à l'automne 2008, lors de la crise des « subprimes ».

 

Jusqu'à maintenant, les hedge funds se sont développés sans aucune réglementation, sans obligation d'information sur leurs stratégies ou leurs performances, sans limite d'engagement des capitaux empruntés. Les statistiques les concernant sont fortement biaisées car les fonds qui disparaissent ne sont pas inventoriés. De plus ils fonctionnent suivant un système de commission asymétrique : par exemple 20% sur les gains, 0% sur les pertes, plus une commission de gestion !

 

Un consensus commence à s'imposer sur le caractère nécessaire d'une réglementation, mais celle-ci devra s'imposer dans tous les pays, sinon il y a un risque d'évasion vers de nouveaux paradis, les hedge funds étant déjà généralement localisés dans ces paradis fiscaux. Il faudrait une volonté politique forte pour qu'une telle réglementation se mette en place. Naturellement, les défenseurs des hedge funds prétendent qu'ils jouent un rôle de stabilisateur des marchés. Mais les crises spectaculaires comme celles de LTCM et de la banque d'affaires Bear Stearns dont la faillite a été provoquée par le hedge fund Carlyle Capital démontrent que cela est obtenu au prix de risques extrêmes.

 

Lors d'une conférence le 11/02/2010, Michel Aglietta a détaillé ses recommandations pour une supervision des hedge funds :

  • enregistrement des gérants
  • limitation de l'effet de levier
  • obligation d'informations sur leurs prises de risque
  • rémunérations avec partage des pertes
  • régulation indirecte via les banques d'affaires
     

L'Union Européenne élabore actuellement une directive qui mettra en application un commencement de supervision. De l'autre côté de l'Atlantique, Paul Volcker tente d'imposer un certain nombre de règles dont l'interdiction aux banques d'effectuer du « trading pour compte propre », c'est-à-dire de spéculer avec leurs ressources propres. Mais il sera bien difficile d'obtenir que les paradis fiscaux soient règlementés et des actions de « lobbying » intense se poursuivent à Bruxelles et à Washington, qui risquent d'atténuer la portée des mesures prises.


Pourtant cette supervision est absolument nécessaire d'une part pour diminuer les risques du système financier et d'autre part le ramener dans le droit chemin du financement de l'économie, qui est son rôle essentiel.


 

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