Les fonds d’investissement LBO ont souvent mauvaise réputation : lorsqu’ils rachètent une entreprise, n’ont-ils pas pour premier souci de la réorganiser, de rembourser la dette, de maximiser sa valeur et de la revendre avec une bonne plus-value après 5 ou 6 ans, quitte à sacrifier son développement à long terme et les investissements.
L’histoire de Buffet Crampon n’est-elle pas un contre exemple qui fera mentir les pourfendeurs des fonds ?
En 1789, la famille Courtois fabrique pour la première fois en France des intruments de musique en cuivre à Paris, rue Mazarine. En 1825, Denis Buffet-Auger installe son atelier à Paris et se fait connaître par la qualité de ses clarinettes à 13 clefs. La création de Buffet-Crampon par Jean-Louis Buffet son fils et Zoé Crampon remonte à 1836. La société est rachetée en 1981 par le groupe d'éditions musicales Boosey&Hawkes de Londres (dont l’origine remonte à 1760). En 2005, son dirigeant Paul Baronnat s'associe avec le fonds d'investissement Argos Soditic pour la racheter dans le cadre d'un MBO (management buy-out) pour un montant de 37 millions €. C'est alors que la stratégie change et que, grâce à une succession d'acquisitions, Buffet Crampon prend une place de plus en plus importante sur l'échiquier mondial des instruments à vent. Successivement, Buffet-Crampon fait l'acquisition en 2006 d'Antoine Courtois créé en 1803, et de Besson créé en 1837, et en 2010 de W.Schreiber et de J. Keilwerth. Elle élargit ainsi sa gamme avec des cuivres – cornets, altos, euphoniums, tubas, trompettes, trombones, bugles, saxhorns, des saxophones et des bassons.
En 5 ans, le chiffre d'affaires du groupe passe de 44 à 67,2 millions € en 2011, augmentant de 50% avec une bonne rentabilité (EBE de 7 millions) ; sa production est répartie en 70% de clarinettes, 15% de cuivres, 8% de saxophones et 7% de hautbois ; ses 570 employés, aux 2/3 des maîtres luthiers et des chaudronniers, sont localisés sur 3 sites en France et un en Allemagne. Le groupe réalise plus de 93% de son chiffre d’affaires hors de France avec un réseau de distribution mondial, des filiales aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne et en Chine.
En avril 2012, le fonds d'investissement Fondations Capital reprend la participation de 91% d'Argos Soditic avec CDC Entreprises pour 6,7% et les dirigeants de Buffet Group, et chose assez inhabituelle en matière de reprise, en réduisant la dette de 4 millions €. L'objectif affiché est en effet d'accélérer le développement à l'international et par croissance externe dans une industrie où il y a beaucoup de petits acteurs familiaux, la réduction de la dette ayant pour but de faciliter l'autofinancement de la croissance. La valorisation de 58 millions € correspond à un multiple de 8 fois l'EBE, alors que d'autres sociétés comme les pianos Stenway pèse 328 millions $ en Bourse à New York. On peut donc supposer qu'un jour, les nouveaux actionnaires envisageront aussi une introduction en Bourse …
Cependant on ne peut guère imaginer clairement quelle sera la stratégie à moyen terme de Fondations Capital : c'est un fonds de création récente (2007) à vocation majoritaire dans des ETI leaders sur leur marché telles que Courtepaille, Sepur (opérateur de collecte de déchets, nº2 en Ile de France), Tarmac devenu Alkern (pavés et bordures en béton), Buffet Group est seulement son 4è investissement. Xavier Marin, fondateur de Fondations Capital a ainsi déclaré en 2008, lors de l'arrivée d'un nouvel associé, Philippe Bernard, ancien président d'Elis : « Nous partageons avec Philippe Bernard la même approche de création de valeur par le développement des entreprises et l'attention particulière que nous portons au capital humain. » Il affiche un horizon d'investissement de 5 ans et se présente comme un investisseur engagé en étroite collaboration avec les dirigeants, « en tant qu'agent de changement et de transformation » en vue de « réaliser pleinement leur potentiel de développement ».
Nous verrons les résultats dans quelque temps ….