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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 10:49

Le Groupe Rossignol est une entreprise de taille intermédiaire (ETI) comme nous aimerions en avoir plus en France : un leader mondial sur un créneau bien identifié – les équipements de glisse pour les sports d'hiver, avec des marques fortes, établies depuis longtemps, avec un savoir-faire de premier ordre. C'est aussi une entreprise qui a échappé de peu à « une sortie de route » suite à une baisse exceptionnelle de son marché principal : celui des skis qui est passé de 7 millions de paires par an en 2002 à 3,5 millions en 2009, en grande partie à cause de l'explosion du marché de la location.

 

Créée en 1907 par Abel Rossignol, qui réalise alors sa première paire de skis artisanale en bois massif, Rossignol accompagne très tôt les champions de ski comme Emile Allais, champion du monde en 1937, Henri Oreiller champion olympique en 1948, Jean Vuarnet champion de descente en 1960 à Squaw Valley (USA), et bien d'autres. L'entreprise est reprise en 1956 par Laurent Boix-Vives qui en accélère le développement fondé sur des innovations techniques (premier ski métallique, premier ski en fibre de verre,...), sur un fort soutien des champions de ski, sur une expansion internationale notamment aux Etats-Unis, et l'acquisition d'autres gammes de produit : skis Dynastar, chaussures Lange, fixations Look, bâtons Kerma … Conscient du risque d'être uniquement positionné sur les sports d'hiver, dont l'expansion s'est ralentie dans les années 1980-1990 et dont l'activité est dépendante des … chutes de neige, L. Bois-Vives a tenté de se diversifier dans le matériel de golf et les textiles. Cette diversification est restée toute relative car, en 2006, 71% de l'activité était toujours en matériel de ski, 22% en matériel de golf et 7% en textiles.

 

Bien que Rossignol soit cotée en Bourse et que cela aurait pu être une voie de sortie quand L. Bois-Vives a souhaité se retirer, c'est Bernard Mariette, PDG de Quiksilver, leader mondial des vêtements de sport et ami de L. Bois-Vives, qui a en quelque sorte, joué les « chevaliers blancs » en faisant une offre en 2005 que les actionnaires n'ont pu refuser : 560 millions € soit près de deux fois le chiffre d'affaires. En fait, le problème de la baisse du marché se posait déjà et une sortie en Bourse était devenue une quasi-impossibilité.

 

La situation de Rossignol s'est détériorée rapidement et Quiksilver a tenté le redressement par des restructurations et le transfert d'une partie de la production en Chine et en Pologne. En 2008, le groupe a vu son chiffre d’affaires baisser de 15% pour tomber à 248 millions €, avec un résultat net négatif de -70 millions € et une dette de 370 millions €. La situation de trésorerie était si tendue que la société allait se retrouver en état de cessation de paiements en mai 2009 (dépôt de bilan). Sous la pression des actionnaires mécontents, Rossignol a été vendue en novembre 2008 pour moins de 100 millions € à la holding Chartreuse & Mont Blanc détenue majoritairement par le groupe australien Macquarie et dirigée par Bruno Cercley, ancien directeur général de Rossignol.

 

Le redressement

 

Le plan de redressement a consisté essentiellement en une reprise en main de la gestion, la mise en place de nouvelles procédures, un repositionnement des marques – Lange, Rossignol, Dynastar et Look, vers le haut de gamme et un alignement de l'entreprise avec une production réduite en rapport avec la nouvelle taille du marché soit une réduction des effectifs de 30% et un nombre de références divisé par 2. Le plan mis en oeuvre avec l'aide du cabinet A&M, spécialiste du retournement d'entreprises, a permis d’économiser 60 millions € par an et d'améliorer le besoin en fonds de roulement de 90 millions € via un réduction des stocks et la diminution du délai de règlement clients. L'affacturage (cession des factures) a aussi permis de financer la trésorerie à hauteur de 45 millions €.

En moins de 18 mois l'excédent brut d'exploitation est redevenu positif et fin 2010, la trésorerie nette est redevenue positive. Pour l'exercice clos le 31/03/2011, les ventes progressent de 5% à 206 millions € et le résultat net est positif à 3 millions €.

 

 

La relocalisation

 

Et, plus extraordinaire, la production délocalisée est revenue en France. Les skis fabriqués à Taï Wan sont revenus à Sallanches et la fabrication des fixations a été ramenée de Pologne à Nevers. En effet selon B. Cercley, « dans une industrie où la matière première vient d'Europe, où l'essentiel des ventes se fait en Europe et en Amérique du nord, fabriquer en Asie ne présentait pas d'intérêt... Notre capacité de production instantanée sera décuplée, ce qui confortre notre stratégie : une production locale au plus près du marché et des matières premières, répondant au plus vite à la demande pendant la saison de sports d'hiver, ce qui ne peut se faire en produisant en Chine.» La production a été concentrée sur 4 sites où des investissements importants ont été réalisés : Sallanches (Haute Savoie) et Artes (Espagne) pour les skis, Nevers (fixations) et Montebelluna (Italie).

Le groupe emploie maintenant 1220 personnes dont 670 en France, 440 en Europe et 100 en Amérique du Nord.

 

Retrospectivement, ce qui a failli faire disparaître Rossignol, est le manque de réactivité face à la baisse du marché depuis le début des années 2000 et une gestion peu rigoureuse de l'entreprise. En fait, à l'origine des difficultés, L. Bois-Vives qui a su développer l'entreprise et en faire un leader mondial, n'a pas pu initier une transmission idéalement familiale, former un successeur et assurer une transition assurant la poursuite du développement et de la croissance comme on le trouve souvent parmi les entreprises moyennes centenaires du Mittelstand allemand. Le repreneur, B. Cercley saura t'il enclencher cette dynamique vertueuse ?

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