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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 17:09

Avant la conférence sociale début juillet 2012, l'institut COE-Rexecode (*) a publié une étude macro économique sur la situation des entreprises en France, à partir des données de l'INSEE. Selon le président de l'institut, « le tissu productif français a subi un double choc au cours de la dernière décennie. D'abord, un choc de coût lié à la réduction de la durée du travail au début des années 2000, suivi ensuite par une forte récession (en 2008-2009) qui a accentué la dégradation des capacités financières des entreprises. »

 

L'institut constate une rupture de tendance au tournant de l'an 2000 : au sein de la zone Euro, la part des exportations françaises vers le reste du Monde s'est maintenue autour de 16% dans les années 90 puis a chuté progressivement jusqu'à 13,1 % en 2011, avec toutefois une relative stabilisation à partir de 2007 (entre 13,4 et 13,1 %), témoin d'une perte des parts de marché et de compétitivité.

Plus près de nous, entre 2007 et 2011, le PIB (produit intérieur brut) a stagné, sa croissance de 5,7 % en € correspondant à la hausse des prix, indiquant que l'effet de la crise financière de 2008-2009 n'a pas encore été surmonté.

Dans ce laps de temps, la valeur ajoutée (**) des entreprises (hors entreprises individuelles, agriculture, secteur financier et activités immobilières) a diminué de 1,2 % (sa croissance a été inférieure à l'inflation). A l'opposé, le revenu disponible brut des ménages a augmenté de 2,6 %, partagé entre 50 % d'augmentations de salaires et 50% de prestations sociales. La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises a en effet augmenté de 64,6 % à 67,8 % – ce qui est supérieur de 2 % au niveau moyen des années 90 ; alors que l'EBE des entreprises (ce qui reste de la valeur ajoutée après paiement des salaires, charges sociales et impôts) a lui diminué de 11 %.

 

Plus généralement, depuis 2000, le taux de marge des entreprises (EBE/valeur ajoutée, 30,7 % en 2000 et 31,7 % en 2007) est tombé à 28,6 %, son plus bas niveau depuis 1985.

De 2000 à 2011, la situation financière des entreprises s'est donc dégradée :

  • baisse du profit net (après amortissements) de 63,2 à 56,1 milliards € (après correction de 19,8 % pour l'inflation),

  • baisse de l'autofinancement de 7 % (capacité de l'entreprise de financer elle-même son développement commercial et ses investissements)

 

On remarquera au passage que, dans les faits, et malgré la crise financière de 2008-2009, le précédent gouvernement a "respecté" sa promesse de privilégier le pouvoir d'achat des salariés et il l'a fait à peu près à parité d'une part au détriment de la marge des entreprises et d'autre part en augmentant le déficit public !

Maintenant, il en résulte que les entreprises qui ont puisé dans leurs fonds propres et emprunté pour investir, ont des capacités de rebond très amoindries, d'autant plus que l'accès au crédit bancaire devient plus difficile, notamment à cause des contraintes de Bâle III.

Notons en plus qu'au lieu d'encourager l'orientation de l'épargne des particuliers vers le financement des entreprises qui en ont bien besoin, on met en place toutes sortes de mesures notamment fiscales qui vont dans le sens opposé. Les particuliers qui ont bien compris le message, fuient d'ailleurs la Bourse et achètent de l'immobilier.

 

Et l'industrie ?

 

Au milieu de cette évolution globalement défavorable des entreprises, en examinant le diagramme des taux de marge depuis 2000 ci-dessous, on constate que c'est l'évolution de l'industrie manufacturière qui en est presqu'uniquement la cause ; en effet, la construction et le bâtiment vont même mieux en 2011 qu'en 2000 et les services se maintiennent avec seulement une légère érosion de leur marge ; l'industrie, quant à elle, voit son taux de marge passer de 33 % en 2000 à 21,6 % en 2011, soit une baisse de 40 %. L'EBE de l'industrie est passé de 9,3 % de son chiffre d'affaires global en 2000 à 5 % en 2011 !

C'est parait-il, comme certains de nos politiques l'affirment, à cause d'erreurs stratégiques de la part de nos industriels, notamment dans l'automobile ! Mon lecteur comprendra que cette affirmation n'est pas sérieuse et ne prend pas la mesure du problème qui est global en France.

On peut dès maintenant méditer sur le fait que la construction et le bâtiment et, dans une moindre mesure, les services sont des secteurs isolés de la concurrence internationale. Bien sûr, il y a la crise du logement et il faut construire. Alors on favorise cette industrie essentiellement locale qui ne risque pas de perdre des contrats face aux coréens et autres taïwanais et en plus, on pousse les particuliers à investir dans l'immobilier (Scellier), alors que l'industrie est en danger !

taux de marge

Pourquoi cette perte de rentabilité ?

 

De 2000 à 2011, la valeur globale de la production industrielle a diminué de 1,5 %.

En parallèle, les consommations intermédiaires – tout ce qu'achète l'industrie, notamment l'énergie, les matières premières, ont augmenté de 22,9 %, ce qui a conduit à un recul de la valeur ajoutée de 8,1 %.

Côté salariés, les rémunérations ont augmenté de 34 %, le nombre d'heures travaillées diminuant de 25 % (mouvement enclenché par les 35h). Il en résulte que la part de la rémunération des salariés est passé de 61,8 % en 2000 à 72,8 % de la valeur ajoutée, le taux de marge connaissant une évolution opposée.

Il apparaît que l'industrie n'a pas pu répercuter cette hausse de l'ensemble de ses coûts dans ses prix tant en France qu'à l'export. C'est bien ce que l'on appelle une perte de compétitivité.

 

Pourtant les entreprises investissent et font de la R&D !

 

Rapporté à la valeur ajoutée, le taux d'investissement des entreprises est même plus élevé en 2011 qu'en 2000 (20 % pour 18 %). Ce qui les amène à s'endetter, faute d'un autofinancement suffisant.

Et les dépenses de R&D se situent à 7,3 % de l'EBE soit légèrement au-dessus de la période 1995 - 2010, et un peu en dessous de l'Allemagne (7,7 %), mais compte tenu de la faible rentabilité des entreprises françaises, le taux est de 1,4 % du PIB français pour 1,8 % en Allemagne ...

 

Et l'industrie européenne ?

 

D'après les données d'Eurostat, entre 2000 et 2011, l'EBE de l'industrie française a baissé de 35 %, alors qu'il a progressé de 18 % dans la zone Euro et de 51 % en Allemagne. L'EBE industriel allemand est ainsi passé de 1,5 fois à 3,5 fois l'EBE industriel français !

Le taux d'autofinancement des entreprises françaises est tombé de 88 % en 2000 à 67 % en 2011 alors que dans la zone Euro, le mouvement a été inverse, passant de 75 % à 91 %.

Et le coût du travail salarié industriel a progressé de 18 % de plus en France qu'en Allemagne.

 

Qu'en conclure ?

 

Ce qui est encourageant, c'est que pendant ces années difficiles, l'industrie française a continué d'investir en équipements et de dépenser en R&D, le crédit impôt-recherche, une mesure qui fait l'unanimité des industriels y contribuant largement. Il est certain qu'un élargissement de ce crédit d'impôt à l'innovation sous d'autres formes et pas seulement technologiques, pourrait amplifier le mouvement. Il paraît que l'avantage compétitif le plus significatif des produits français se situe dans le design et l'ergonomie. C'est donc un domaine à encourager fortement.

 

Un autre indice remarquable est le mouvement de relocalisation de certains industriels, moyennant des investissements de production importants. Se pose alors la question du financement de ces investissements : il paraît impératif d'influer sur les règles de Bâle III pour permettre aux banques françaises de développer leur rôle de financier des biens d'équipement industriel.


Récemment, le ministre des affaires étrangères a indiqué que notre réseau d'ambassades et de consulats devait amplifier son rôle économique ; c'est sûrement une excellente démarche notamment pour aider nos PME à s'implanter sur les marchés à potentiel.

 

(*) Coe-Rexecode est une association qui se présente comme le premier institut français d'études économiques, indépendant des pouvoirs publics, est né de la fusion en 2006, de Rexecode créé en 1957 par Paul Huvelin et du Centre d'Observation Economique de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. Ses 80 adhérents sont des grandes entreprises, PME, institutions financières, organisations professionnelles ou administrations publiques.

(**) Valeur Ajoutée de l'entreprise = Valeur des biens et services produits − Valeur des consommations intermédiaires (tout ce que l'entreprise achète : matières premières, produits semi-finis, services, etc.)

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