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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 21:35

Chacun d'entre nous conviendra qu'il y a eu à l'évidence, au cours de l'histoire, un lien fort entre la disponibilité de ressources en énergie et le développement économique. Ainsi, quand l'homme a su domestiquer des animaux comme le cheval, le chameau ou le lama, cela a mis à sa disposition une nouvelle capacité énergétique de transport et de trait, et a multiplié par exemple les échanges commerciaux et la productivité agricole. La machine à vapeur fonctionnant au charbon a donné le signal de la révolution industrielle et de l'émergence de notre économie moderne. L'arrivée du pétrole a permis le développement de l'automobile.

 

De ce lien historique, une thèse a émergée selon laquelle les variations de production d'énergie entrainent les variations de croissance économique. Plus exactement, si la croissance économique est forte, ce serait causé par une production croissante et abondante d'énergie ; inversement une diminution de la production d'énergie provoquerait un ralentissement de la croissance économique. Cette thèse est notamment soutenue par Jean-Marc Jancovici, consultant et expert en thématique énergie-climat. Le graphique ci-dessous qu'il a réalisé à partir de sources diverses pour l'énergie et de données de la Banque Mondiale pour le production mondiale (World GDP), montre l'évolution comparée de la croissance de l'économie mondiale et celle de la production mondiale d'énergie.

 

En s'appuyant sur cette thèse, la baisse de la croissance de la production d'énergie serait la cause du ralentissement de la croissance économique en Europe, notamment en France à partir de 1980 (2% par an en moyenne de 1980 à 2000) après les 3,5% observés pendant les « trente glorieuses » de 1950 à 1980.

 GDP-energy.jpg

 

Ce que montre certainement le graphique, c'est qu'il existe une corrélation très forte entre la croissance économique mondiale et l'augmentation de la production d'énergie et que ces deux facteurs évoluent en synchronisme, sans décalage apparent dans le temps. On peut aussi remarquer que les fluctuations de croissance de la production d'énergie sont plus larges que celles de la croissance économique, que les hausses et les baisses sont plus brutales : ceci conduit à penser que la relation entre ces deux grandeurs pourrait ne pas être proportionnelle.

 

Par contre, l'examen du graphique ne permet pas de déterminer lequel des deux facteurs est une fonction de l'autre. Il me semble que la thèse : production = fonction de l'énergie disponible a été prise pour postulat et que l'on s'attache, probablement pour des raisons idéologiques, à démontrer qu'il en est bien ainsi. 

 

Si on se réfère aux premiers chocs pétroliers dans les années 70 et 80, c'est l'augmentation du prix du pétrole qui a provoqué un ralentissement de l'économie. Les grands exportateurs de pétrole ont d'abord augmenté le prix du pétrole et ont ensuite seulement restreint la production ; c'est le choc d'un pétrole plus cher qui a entraîné une baisse de la croissance et non une baisse de la production.


L'offre de pétrole et de gaz est mondiale et tous les pays importateurs peuvent accèder à la ressource. Le gaz notamment est de plus en plus disponible partout, grâce à des installations de liquéfaction qui permettent de le stocker et de le transporter pratiquement dans le monde entier. Comment expliquer alors les différences de taux de croissance entre l'Europe ou les Etats-Unis et les pays émergents comme la Chine et l'Inde ? De nombreux pays exportateurs qui bénéficient a priori d'une énergie abondante puisqu'ils l'exportent, ont des taux de croissance inférieurs à la Chine et l'Inde.

 

Au contraire, l'Inde vient de faire la une des medias suite à une panne électrique paralysant la moitié du pays ; cette panne est due à un réseau électrique d'une capacité insuffisante pour faire face aux besoins d'un pays en pleine croissance. Cette situation de pénurie n'empêche pas l'économie indienne de croître à 6-7% par an.

 

Au niveau français, à l'évidence, la consommation d'électricité n'est pas limitée par l'offre même à long terme : le parc de centrales nucléaires à été construit dans les années 80 et 90 afin de satisfaire la demande avec une énergie électrique abondante et dont le prix serait indépendant des fluctuations des marchés mondiaux. Le programme a été arrêté lorsque l'on s'est rendu compte que la croissance de la consommation avait commencé à baisser, ne justifiant plus la construction de nouvelles centrales. Le débat actuel autour de la réalisation du deuxième EPR à Penly est en grande partie provoqué parce que cette nouvelle centrale ne parait pas absolument nécessaire pour répondre à une demande en faible croissance.

 

Contrairement à ce qu'avancent les tenants de la thèse, il apparait qu'à court terme, c'est la croissance économique qui dicte la demande et entraîne une consommation d'énergie plus ou moins élevée, avec un élément perturbateur que sont les interventions publiques sur les prix. Ainsi la politique actuelle des gouvernants français de limiter la croissance du prix du gaz naturel, ne peut que favoriser la demande tout en "subventionnant" l'ensemble de l'économie avec une énergie moins chère que le marché. 

A long terme, la relation est beaucoup plus complexe car trois éléments principaux viennent s'imbriquer : l'arrivée de nouvelles technologies, le développement de nouvelles sources d'énergies et de nouveaux gisements et l'amélioration de l'efficacité énergétique.

Sur l'efficacité énergétique, on observe d'après les données de l'INSEE que le PIB (produit intérieur brut) de la France a progressé en volume de 113% depuis 1973 alors que la consommation d'énergie n'a augmenté que de 48% ; l'efficacité énergétique (la capacité de produire avec une certaine quantité d'énergie) a donc progressé de près de 42% sur cette période soit près de 1% (0,97%) par an. Depuis 2002, la tendance reste la même avec une progression de 0,85% par an. Cette meilleure efficacité se confirme chaque fois que le prix du baril de pétrole atteint des sommets : l'impact sur l'économie est bien moindre que lors des chocs pétroliers des années 70 et 80.


Finalement, si on suppose que l'efficacité énergétique de l'économie mondiale peut continuer de s'améliorer de 1% par an, cela permettrait de poursuivre une croissance de 1% à consommation d'énergie constante – ce qui donne tout de même un doublement du GDP tous les 70 ans. Et si grâce aux nouvelles technologies, aux nouvelles sources d'énergie et aux nouveaux gisements, la production d'énergie pouvait rester constante, cela pourrait constituer la base d'un vrai développement durable dans le domaine de l'énergie.

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