Alors qu'un grand débat a été mené sur le plan national où tous pouvaient contribuer, un autre débat a cours avec les partenaires sociaux sous la houlette d'un haut-commissaire. Et pourtant ce débat concerne tout le monde et on peut s'interroger sur la légitimité de ces partenaires sur cette question : il s'agit de réformer une fois de plus notre système de retraite en perdition.
Ce système a été institué en 1945 alors qu'à l'époque, les personnes en activité qui arrivaient en fin de carrière n'avaient pas de retraite. La solution trouvée est bien simple : ce sont les cotisations réglées par les personnes en activité qui allaient financer les retraites des personnes âgées. A ce moment là, le rapport entre le nombre de personnes en activité et le nombre de personnes retraitées était de l'ordre de 5/1. La durée de vie moyenne ne dépassait pas 62 ans, on partait à la retraite à 65 ans et on commençait à travailler tôt, souvent avant 20 ans, une petite proportion de jeunes poursuivant des études supérieures. Donc les cotisations étaient peu élevées et la retraite d'un niveau apprécié.
Depuis la création de ce système il y a plus de 70 ans, la situation a complètement changé et un effet de ciseau continu a mis le système en perdition ; de plus, en 1981, une décision politique a été prise à contresens de l'évolution démographique et qui s'avère catastrophique pour la survie du système : l'âge de départ à la retraite a été porté à 60 ans, augmentant d'un coup le montant des retraites à verser et diminuant le montant global des cotisations perçues. C'est un effet de ciseau brutal qui s'est ajouté à l'évolution continue de la démographie et de la baisse de la durée de la vie active.
Année après année, la durée de vie moyenne augmente, augmentant le nombre de personnes touchant une retraite et le montant global à verser ; ainsi en 2018, l'espérance de vie moyenne à la naissance est de plus de 82 ans et l'espérance de vie à 65 ans est de plus de 86 ans ! En parallèle, les jeunes poursuivent de plus en plus tard des études supérieures, retardant le moment où ils commencent à travailler et donc à cotiser, ce qui amoindrit la population active.
Pour la plupart des pays avancés comme le nôtre, en vue de maintenir un régime de retraite viable et compatible avec la durée de plus en plus longue de la vie après le départ à la retraite, la solution évidente est de reporter au plus vite l'âge de départ à la retraite à 65 ans et par la suite à 67 ans ou même 70 ans. Ceci a en particulier, l'avantage d'avoir un effet structurant immédiat. Cette décision devrait être couplée avec des mesures renforcées pour les personnes ayant eu un métier pénible et/ou une carrière très longue, leur permettant un départ largement prématuré. La peur des politiques de mettre en place une telle mesure est proprement scandaleuse ; elle confirme une absence de courage, de vision et une propension à reporter à plus tard les décisions difficiles.
Cette mesure permettrait de maintenir l'indexation de toutes les retraites au moins sur l'inflation et peut-être même sur l'augmentation moyenne des salaires, sans augmenter les cotisations. La politique actuelle de bloquer les retraites et d'augmenter les cotisations si nécessaire, est récessive – dans le sens où elle diminue la richesse de tout le monde. En fait, elle contribue à la situation de croissance faible à laquelle nous sommes confrontés depuis plusieurs années.
Un autre mesure dont l'effet se ferait sentir plus lentement, est de mettre en place de véritables fonds de pension qui prendraient le relais des retraites par répartition lesquelles sont d'un rendement global faible. On constate d'ailleurs que le rendement actuel des retraites par répartition est négatif, puisqu'un montant de cotisation donné conduit à une retraite dont le montant diminue, une fois l'inflation prise en compte. Les fonds déposés pour les retraites par capitalisation bénéficient en fait de la croissance globale de l'économie qui depuis le début de la révolution industrielle, a été plus rapide que l'inflation et donc plus rapide que le potentiel des retraites par répartition. Vous noterez que dans de nombreux pays, les retraites par capitalisation via des fonds de pension ou autres, obtiennent des résultats bien meilleurs que notre système ; la différence est absolument effarante selon la proportion de capitalisation par rapport à la répartition : ainsi les taux de cotisation à la retraite (employé plus employeur) en pourcentage du salaire mensuel moyen sont en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, respectivement 6 %, 12 %, 18 % et 27 %, avec 100% de capitalisation en Nouvelle Zélande et 100% de répartition en France, et un système mixte aux Pays-Bas et en Allemagne. En parallèle, la durée de vie active est de 40 ans en Nouvelle Zélande et 35 ans en France. Au bout, le montant des retraites est similaire dans les deux pays. Et les dépenses de retraite représentent 6 % du PIB en Nouvelle-Zélande et 13 % en France soit une différence de 160 milliards d'euros pour la France (*).
Qui a raison ? Que pourrions-nous faire de ces 160 milliards au lieu de les engloutir chaque année dans ce merveilleux système par répartition, modèle dont parait-il nous sommes si fiers mais que personne n'imite ?
(*) estimations de Xavier Fontanet, ancien PDG d'Essilor