La jeune pousse israélienne OrCam fondée en 2010 par Amnon Shashua et Ziv Aviram vient de lever 30,4 millions $ auprès d'investisseurs comme Israel’s Clal Insurance et Meitav Dash qui auraient ainsi acquis 3% du capital : il en ressort que la valorisation de la société serait de un milliard de dollars.
Mobileye
Amnon Shashua et Ziv Aviram sont bien connus des investisseurs : ce sont aussi les fondateurs de Mobileye qui a été rachetée en mars 2017 par Intel pour la somme modeste de 15 milliards de dollars. Créée à Jerusalem en 1999 et mise en Bourse sur le Nasdaq en 2014, Mobileye est une super étoile dans un ciel israélien de 6 000 startups.
Elle a développé des produits d'assistance à la conduite de véhicules et anti-collisions : « Sauver des vies. Protéger votre flotte. Réduire vos coûts. » tel est le message affiché sur son accueil Internet. Ces produits peuvent s'installer sur la plupart des voitures et des poids lourds : une caméra associée à un système d'analyse de la route détecte les dangers, identifie les situations à risques et déclenche des alertes permettant au conducteur d'éviter un accident.
Plus de 15 millions de véhicules seraient déjà équipés d'un tel dispositif.
Naturellement, Mobileye travaille d'arrache-pied à l'amélioration de sa technologie, avec les véhicules autonomes en ligne de mire. Elle compte sur les ressources d'Intel pour l'industrialiser à grande échelle, s'appuyant sur des partenariats avec des équipementiers comme Valeo, Delphi, Continental, Magna, et des constructeurs comme BMW, General Motors, Honda, Nissan, Tesla.
Et OrCam ?
OrCam manifeste aussi de grandes ambitions ; elle a annoncé qu'elle prépare également son introduction en Bourse, qu'elle va lever d'abord 100 millions $ et espère une valorisation de 1,5 à 2 milliards de dollars lors de l'introduction dans un an. Ces promesses ont de quoi réjouir tous ses investisseurs, y compris les derniers qui verront ainsi un quasi doublement de leur capital !
Mais est-ce bien raisonnable ? Un des éléments majeurs du potentiel de croissance d'une jeune pousse est la taille du marché auquel elle s'adresse, un autre est l'attraction que ce marché est susceptible d'avoir pour le produit. Pour Mobileye, la cible, c'est l'ensemble du marché des véhicules ; quant à l'attraction pour l'autonomie de tous les véhicules, elle s'impose à tous : un jour plus ou moins lointain, tous les nouveaux véhicules, qu'ils soient voitures, bus ou camions, peut-être même motos et autres deux-roues, seront autonomes. Une croissance phénoménale se profile devant nous, largement prévisible. Ce qui justifie amplement l'intérêt d'Intel, des équipementiers automobiles, des constructeurs et autres Google et Uber.
OrCam a une vocation sensiblement différente ; elle commercialise un produit : MyEye constitué d'une mini caméra fixée sur la branche droite de la monture des lunettes et reliée à un boitier doté d'intelligence artificielle et de capacité d'apprentissage, lequel boiter transmet des informations vocales par un écouteur à conduction osseuse ou par des écouteurs ordinaires. MyEye est capable de lire les textes que l'on pointe avec le doigt, de reconnaître et nommer les personnes dont il a appris le visage, et d'identifier certains produits et les billets de banque.
Avec ce produit, le marché ciblé est celui des malvoyants et des personnes lisant difficilement— on remarquera en passant que ce n'est pas celui des aveugles, car la personne doit posséder des facultés minimales de vision pour pouvoir pointer la mini caméra vers l'objet ou la personne à reconnaître ou bien le doigt vers le texte à lire.
MyEye est vendu 4 500 $, soit un prix qui le positionne en haut de gamme face à des produits similaires mais moins performants que sont les machines à lire, vendues entre 2 500 et 3 000 $ (machines lisant des textes à haute voix).
OrCam déclare que la population mondiale de mal voyants est de 253 millions, mais une large majorité des ces personnes, notamment dans les pays émergents, n'auront jamais les ressources nécessaires pour acheter MyEye. Il en ressort que le marché est bien plus limité que celui de Mobileye et MyEye se place sur un marché où il y a déjà des alternatives : machines à lire et applis gratuites ou très abordables, pour smartphone reconnaissant des objets comme Aipoly Vision.
Il apparait que les investisseurs enthousiasmés par les perspectives d'OrCam, voient les choses d'une manière très optimiste, encouragés par la réussite des fondateurs et leur talent pour faire grandir Mobileye. Ils risquent fort d'être bien déçus, à moins que nos entrepreneurs aient dans leurs cartons un produit avec un potentiel beaucoup plus large. Ce qui ressort en aucun cas des annonces faites jusqu'à ce jour par OrCam.