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29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 17:38

Après 15 ans de recherche, l'Institut de la vision de l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC, dite aussi Paris 6) et d'autres centres en Europe, notamment l’Austrian Institute of Technology (AIT), ont conçu des capteurs imitant l'oeil humain ; ces capteurs constituent une des briques essentielles de la technologie de Pixium Vision, qui ambitionne de rendre la vue aux non-voyants souffrant de certaines pathologies (notamment DMLA) ; et en 2014, les chercheurs de l'Institut, Christoph Posch et Ryad Benosman associés avec Luca Verre, ingénieur de Centrale Lyon et MS du Politecnico di Milano, ont fondé Chronocam avec pour objectif de poursuivre le développement de ces capteurs en vue d'autres applications avec un capital initial de 750 000 euros auprès de business angels. Une nouvelle levée de 750 000 € a été réalisée en 2015 auprès de Robert Bosch Venture Capital et CEA Investissement.

 

La technologie – dénommée CCAM (Eye)oT, devenant opérationnelle, Chronocam a su intéresser un panel d'investisseurs de premier ordre en octobre 2016 et lever 15M$ auprès d'Intel Capital (pilote de la levée de fonds), Robert Bosch Venture Capital, iBionex GmbH, 360 Capital, CEA Investissement et le Groupe Renault. Cette levée de fonds a pour but premier d'accélérer le développement de la technologie. En plus d'investir dans la jeune pousse, Renault-Nissan vient de signer un accord de partenariat avec Chronocam ayant en ligne de mire : la mise au point de la voiture autonome et de systèmes très performants d'assistance à la conduite.

 

En quoi les capteurs de Chronocam sont-ils différents ?

 

Depuis son origine, la photographie s'attache à la reproduction de tous les événements dans le champ d'un objectif, et toutes les technologies qui en sont issues, films, video, caméras numériques, systèmes de traitement d'images, etc. procèdent du même principe : tous les points (pixels) d'une image sont enregistrés de la même manière. Malgré des performances en hausse permanente, les résultats sont imparfaits et les enregistrements sont loin d'être optimisés. En effet, on comprendra par exemple, qu'une caméra classique enregistrant ce qui défile devant un véhicule en marche captera de la même manière le ciel, le paysage et le revêtement de la route qui varient très peu et les véhicules que l'on croise, les obstacles qui peuvent surgir, les panneaux de signalisation, etc. dont l'image change rapidement. On obtiendra souvent une image floue et imprécise des éléments changeant rapidement alors que le ciel, le paysage et le revêtement sont clairs et bien définis. Ce résultat est à l'opposé de ce qui serait souhaitable : les éléments changeant rapidement sont évidemment de première importance pour la conduite du véhicule, les éléments variant peu demandant eux une surveillance réduite.

 

Au contraire, les capteurs de Chronocam sont conçus de sorte que chaque pixel réagit de façon indépendante aux variations de lumière et de couleur reçues et transmet un flux d'information correspondant à ces variations : ainsi un pixel face au ciel ou au paysage ne transmettra que très peu d'information alors qu'un pixel face à un obstacle enverra un flux important. Le traitement de ces données par les algorithmes développés par Chronocam permet de réaliser des images où les éléments fugitifs seront aussi clairs et précis que les éléments figés.

Ceci se combine avec plusieurs avantages majeurs : le flux global d'informations provenant d'un capteur Chronocam sera bien inférieur à celui d'un capteur classique, ce qui économisera de la puissance processeur et de la mémoire et la consommation d'énergie sera elle aussi plus faible. A l'opposé des systèmes de traitement d'image classique qui analysent des images entières – donc d'énormes volumes de données, pour en retirer des événements isolés et dynamiques, le capteur Chronocam fournira directement des informations précises sur ces événements isolés et dynamiques, sans noyer le système de traitement avec des informations redondantes sur les événements statiques.

 

En fait, l'oeil humain et par extension de tout animal, fonctionne de la même manière que le capteur de Chronocam : chacun observera que son oeil est d'abord attiré par ce qui bouge, ce qui change, laissant de côté ce qui n'est pas modifié dans son champ de vision. C'est particulièrement important et ressenti lorsque l'on conduit un véhicule : nous sommes toujours aux aguets pour détecter ce qui pourrait être un obstacle, notre attention laissant de côté le ciel et le paysage qui défilent.

Ce type de capteur imitant l'oeil humain et le système nerveux a été appelé neuromorphique.

 

Des performances inégalées

 

Selon Chronocam, son capteur présente des caractéristiques de son capteur dépassent très largement celles qu'on peut trouver associées dans un seul produit : une vitesse d’acquisition équivalente à 100 000 images/s), une gamme dynamique >120 dB, un fort taux de compression au niveau du capteur lui-même (100x) et une faible consommation (<10 mW).

Cela devrait lui ouvrir un boulevard dans une multitude d'applications où les performances combinées à la faible consommation seront très appréciées : bien sûr les véhicules autonomes comme Renault-Nissan et Bosch l'ont identifié, tout système de navigation automatique – que cela soit dans l'air, sur mer ou sur terre, la robotique industrielle et domestique, tous les domaines du contrôle et de la surveillance. On peut certainement imaginer que les pixels soient sélectifs en termes des gammes d'ondes électromagnétiques reçues : infrarouge, lumière visible, ultraviolet, etc.

 

Quelle ambition ?

 

Chronocam prévoit de passer de 25 employés à 50 d'ici un an, et de s'installer en 2017 en Californie. L'objectif serait d'atteindre en 2020 un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros avec 150-200 personnes.

On aimerait en savoir plus, cette technologie offrant une telle rupture. Ce qui est très positif est que lors de la levée de fonds, elle a su s'appuyer sur des acteurs solides : Bosch, Renault-Nissan et Intel qui sont capables d'investir avec une vision long terme. Ils ne seront pas tenus de revendre leur participation à brève échéance. Et ils auront la capacité de poursuivre les investissements nécessaires pour un développement plus ambitieux que ce qui a été annoncé à ce jour.

 

 

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