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31 juillet 2015 5 31 /07 /juillet /2015 11:26

La Ruche Qui Dit Oui a de grandes ambitions et a réussi à convaincre déjà à 4 reprises les investisseurs. Pourtant elle est loin d'être la seule sur son créneau : court-circuiter les intermédiaires et mettre les agriculteurs directement en rapport avec les consommateurs.

 

La vente directe des produits agricoles

 

Rien que sur nos marchés de plein air traditionnels, depuis des siècles, les paysans viennent vendre leurs produits frais, récoltés la veille ou même le matin et repartent quand tout est écoulé. Cette pratique de vente directe, affranchie des marchés de gros et autres intermédiaires, continue d'exister dans toutes les métropoles, et nos villes et villages de province, notamment à Barcelonnette que je connais bien. On y trouve ainsi des éleveurs de chèvre et de brebis qui apportent leurs fromages, des agriculteurs d'Espinasse, près de Serre-Ponçon, qui vendent leurs fruits et légumes neuf mois par an, un producteur de salades, et bien d'autres. Pourtant ce n'est pas facile : il y a quelque dix ans, un parisien s'était installé dans la vallée de l'Ubaye, et proposait ses poulets et ses légumes bio ; malheureusement il n'a pas réussi à maintenir son activité plus de 3 ou 4 ans (produire des légumes en Ubaye est une gageure à cause du climat particulièrement dur, sec en été et froid pendant de longs mois d'hiver).

Cette pratique de vente directe est certainement à marge très élevée pour l'agriculteur qui s'aligne sur les prix de la distribution qui sont 3 à 5 fois les prix qui leur sont imposés par les intermédiaires. Mais le volume vendu est souvent aléatoire (les ventes en plein air dépendent beaucoup du temps qu'il fait) et globalement insuffisant au regard du temps et de l'effort nécessaire pour assurer la logistique et la vente ainsi que des moyens à mettre en oeuvre. De plus, pendant ce temps, l'agriculteur ne peut pas travailler dans son exploitation : cette polyvalence est difficile à équilibrer.

Depuis le 19è siècle, cette pratique a d'abord été en déclin, à cause à la fois du caractère aléatoire du volume vendu (on n'est jamais sûr de vendre toute sa production et on est souvent obligé d'accorder des rabais) et de la spécialisation des métiers, de la baisse du nombre d'agriculteurs, de la mécanisation et de la taille des intermédiaires qui rendent ces derniers plus compétitifs et performants (grossistes, entrepôts, transporteurs, grandes surfaces de distribution). Depuis quelques années, elle est en renouveau avec le développement du tourisme et des résidences secondaires et une clientèle qui se rapproche ainsi plus près des producteurs.

 

 

Que propose La Ruche Qui Dit Oui ?

 

Avec La Ruche Qui Dit Oui, un modèle "disruptif" se met en place, grâce à une plate-forme Internet qui joue le rôle du marché de plein air traditionnel et met en relation producteurs et consommateurs. L'offre et la demande se rapprochent facilement, éliminant le caractère aléatoire du volume vendu. Le consommateur commande en ligne selon les disponibilités de la semaine, vient prendre livraison de sa commande à la "Ruche" et y rencontre les producteurs. Les livraisons ont lieu en fin de journée, à jour fixe chaque semaine, réduisant au minimum la durée de présence à chaque "Ruche".

 

Fondée en 2010 par Guilhem Chéron, Marc-David Choukroun et Mounir Mahjoubi issus de l'incubateur de l'école Advancia, avec l'appui financier de Marc Simoncini, Xavier Niel et Christophe Duhamel (marmiton.org), La Ruche Qui Dit Oui a ouvert son premier établissement en septembre 2011 à Fauga près de Toulouse. Il y en a maintenant plus de 730 en France et le développement en Europe a été initié en mai 2014 avec actuellement 31 Ruches en Grande Bretagne ("The Food Assembly"), 48 en Belgique (Boeren & Buren), 27 en Allemagne, 33 en Espagne (ila Comena que dice Si!) et 16 en Italie.

 

Ce développement a été financé par plusieurs levées de fonds :

- 1,5 millions € auprès de X-Ange et Solid, fonds d'innovation social de Siparex mi 2012,

- emprunt de 1,5 millions auprès de CDC, BNP Paribas et Paris Initiative Entreprise en 2014 et

- récemment en juin 2015, un levée de fonds de 8 millions € auprès d'investisseurs internationaux : un fonds américain pour la première fois en France, Union Square Venture (actionnaire initial de Twitter et Zynga), un fonds européen, Felix Capital, et un fonds d'impact social suisse Quadia, X-Ange accompagnant cette nouvelle levée. L'objectif est là d'accélerer le développement international.

 

 

Un modèle économique léger, multipliable à vision sociale et solidaire

 

La Ruche Qui Dit Oui ("La Ruche Mama") a actuellement environ 70 employés dont 15 développent l'outil logistique et la plate-forme Internet et une petite trentaine anime le réseau des Ruches, des producteurs et des membres. Les Ruches sont des entreprises (ou association) indépendantes ; avec La Ruche Qui Dit Oui, elles facturent leurs services aux producteurs à hauteur chacun de 8,35% des ventes HT ; les producteurs vendent ainsi directement aux consommateurs et reçoivent un revenu net de plus de 80% du prix de vente hors taxes.

 

Les 2/3 des Ruches sont des entreprises individuelles (auto entrepreneur, EURL), 18% des associations, 9% des entreprises commerciales SARL, SAS et 8% rattachées à des exploitations agricoles. 80% des responsables de Ruche sont des femmes ; ces responsables viennent de tous les horizons et partagent la vision sociale du groupe : créer du lien entre producteurs et consommateurs, soutenir les agriculteurs de la région, permettre aux consommateurs d'acheter une meilleure alimentation à un prix plus juste. La gestion d'une Ruche nécessite 10 à 15 h de travail par semaine selon le groupe, permettant ainsi de toucher un revenu complémentaire.

 

Consommer autrement, soutenir l'agriculture locale, créer du lien (notamment via la vie de chaque Ruche, la plate-forme et les réseaux sociaux), redynamiser les liens sociaux, ... sont des thèmes célébrés par le groupe et mis en application par chaque Ruche. Ce qui a permis à La Ruche Qui Dit Oui de recevoir l'agrément ESS dès août 2012.

C'est ce qui a décidément séduit les fonds du dernier tour de table.

 

Maintenant le challenge est de poursuivre suivant le même modèle dans d'autres pays en Europe. Pour l'instant, il n'y a parait-il, pas de projet de développement au-delà mais une volonté d'accélérer en Europe. C'est effectivement une nécessité pour devenir incontournable. Mais la France est un terreau très favorable pour initier avec une agriculture diversifiée et historiquement proche des consommateurs (cultures maraîchères), les autres pays le sont souvent moins. A La Ruche Qui Dit Oui d'adapter sa stratégie à chaque pays !

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