Depuis quelques années, l'impression 3D fait parler d'elle. En fait, elle existe depuis plus trente ans mais était cantonnée au domaine de la réalisation de prototypes et de pièces spéciales en très petites quantités destinées aux entreprises.
Eric Careel en lançant Sculpteo en 2009, un service en ligne de réalisation de pièces pour des particuliers, a commencé à populariser l'impression 3D auprès du grand public. Maintenant, c'est un sujet dont se sont emparés les politiques notamment dans les "34 plans de la nouvelle France industrielle".
Et depuis mai 2013, le Groupe Gorgé s'y intéresse en rachetant une toute jeune pousse : Phidias Technologies qu'il rebaptise Prodways. Cette jeune pousse a été créé par André-Luc Allanic qui est un des pionniers de l’impression 3D en Europe. Avant cela, il avait fondé Optoform en 1997 avec Philippe Schaeffer et l'avait vendu à 3D Systems en février 2001. Ce rachat a permis à 3D Systems d'intégrer la technologie d'impression 3D d'Optoform et de mettre en oeuvre de nouveaux matériaux d'impression : céramiques, métaux, composites.
Il semble que, grâce à ce rachat, 3D Systems a pris de l'avance sur ses concurrents.
André-Luc Allanic est resté quelque temps avec 3D Systems en tant que « Principal Scientist » avant de reprendre sa liberté et de créer Phidias Technologies.
Selon les déclarations lors du rachat par le Groupe Gorgé, A-L. Allanic souhaitait céder son entreprise et sa technologie à un groupe français capable de poursuivre le développement en France, d'un acteur important en impression 3D.
Prodways a ainsi développé des imprimantes de très haute résolution, capables pour les plus grandes de réaliser plus d’un demi-milliard de pixels par couche, sans augmenter le coût ou le temps de fabrication (technologie MOVINGLight®).
Le Groupe Gorgé manifeste une volonté claire d'investir et de développer rapidement Prodways, en recrutant des spécialistes, en ouvrant une filiale aux Etats-Unis en mars 2015 et en s'implantant en Corée via des distributeurs. Les ventes en 2014 ont atteint 5 millions € (dont 2,5 M€ au 4è trimestre) contre 100 000 € en 2013 ! Et sur les 2 premiers mois de 2015, les ventes seraient supérieures à celles du premier semestre 2014.
La chance de Prodways est qu'elle s'appuie sur un groupe ayant de solides ressources, un chiffre d'affaires de 223,3 M€ en 2014 (214,5 M€ en 2013)
L'histoire du Groupe Gorgé
L'aventure entrepreneuriale de ce groupe a débuté en 1990 par le rachat par Jean-Pierre Gorgé d'une petite société de robotique industrielle de 80 personnes qu'il a baptisée Finuchem. X et Sciences Po, J.-P. Gorgé a d'abord évolué à la DGA et au ministère de l'Industrie, puis au sein d'Alstom et Rhône Poulenc. Puis en 1992, il rachète ECA, un spécialiste des systèmes intelligents de sécurité, puis deux spécialistes de la robotique industrielle : Polymatic, en 1996 et Cimlec, en 1998. Finuchem puis ECA sont introduits en Bourse, respectivement en 1998 et 2004.
A ce moment, J.-P. Gorgé cède la direction opérationnelle à son fils Raphael, ingénieur de Centrale Marseille, et s'oriente vers une nouvelle aventure avec Auplata, un producteur d'or en Guyane française. Un holding familial, Pelican Venture coiffe tous ces investissements.
Avec l'arrivée de Raphael Gorgé, qui vient du monde du capital investissement, le groupe amorce son désengagement de la robotique pour l'automobile, qui est achevé en 2008. En dix ans, le groupe multiplie sa taille par 4 en se concentrant sur 3 segments et change de nom en Groupe Gorgé : la robotique de déminage sous-marin, le leadership mondial des portes de haute sécurité pour le nucléaire (après le rachat de Balisco en 2009) et le leadership européen des drones terrestres, marins et sous-marins.
En parallèle, le Groupe a repris en 2005, un spécialiste des robots de manipulation de plaquettes de silicium, la société Recif Technologies créée en 1991, alors en difficultés. Recif a été repris par Pelican Venture en 2009.
Dans la foulée de cette histoire assez mouvementée, le groupe se lance dans l'impression 3D en 2013. Et il vient d'annoncer l’acquisition d’Initial, un acteur important de la fabrication de pièces par impression 3D, situé à Annecy, et de Norge Systems, une start-up anglaise spécialisée dans la conception d’imprimantes 3D utilisant le frittage laser de poudres plastiques.
Face à des concurrents extrêmement agressifs comme les américains 3D Systems et Stratasys qui sont les leaders mondiaux actuels, j'ose donner une bonne chance au Groupe d'atteindre son objectif de devenir le 3ème mondial. Il en a la volonté entrepreneuriale et les ressources financières. Par contre, le marché français est fortement en retard avec seulement 3% du parc machines mondial, les Etats-Unis étant largement en tête avec 38% suivis du Japon et de la Chine (9% chacun). C'est sans doute une opportunité, mais il faut que les entreprises françaises investissent ! La croissance actuelle du marché est évaluée à 35% par an. Il faut donc aller encore plus vite pour prendre des parts à la concurrence. Mais dans ce type de situation, les positions peuvent évoluer très rapidement.