Pixium Vision fondée en 2011 par le Dr Bernard Gilly et le professeur José-Alain Sahel après des années de recherche au sein de l'Institut de la Vision et de l'Université Paris 6 (Pierre et Marie Curie), vient de lancer son introduction en Bourse. L'objectif est de lever 33 millions €. Cette introduction après deux levées de fonds successives de 9,5 millions € en 2012 auprès des fonds d'investissement Omnes Capital, Abingworth, Global Life Sciences Ventures, Seventure et Polytechnos et de 15 millions € en 2013 auprès de Soffinova Partners et Innobio (fond biotech de la BPI).
On peut se demander comment les fondateurs de Pixium sont capables de mobiliser des fonds si importants et si rapidement.
Un élément essentiel est qu'il s'agit là de leur deuxième projet entrepreneurial après la création de Fovea Pharmaceuticals, spécialisée dans les maladies oculaires créée en 2005 et revendue avec succès à Sanofi en 2009.
Il est aussi remarquable que le projet implique plusieurs équipes de haut niveau dans différentes disciplines : traitement d'images, reconnaissance faciale, transmission sans fil, implants rétiniens, au CNRS, à l'INSERM, au CEA et à l'ESIEE. Cela a bien sûr garanti une certaine visibilité et assuré la confiance des investisseurs.
Les essais cliniques du premier dispositif, l'IRIS1, ont commencé en avril 2013 avec une vingtaine de patients dans 3 hopitaux ophtalmologiques de référence en France, en Allemagne et en Autriche. Pixium espère conclure ces essais en 2015 et obtenir rapidement la certification CE.
Comment fonctionne IRIS ?
IRIS est destiné aux patients atteints de dégénérescence de la rétine (rétinite pigmentaire et DMLA) survenue notamment avec l'âge. Ces pathologies détruisent les cellules photo réceptrices qui transforment la lumière en un signal nerveux. Derrière ces cellules, les cellules ganglionnaires reçoivent le signal nerveux et le transmettent via le nerf optique au cortex visuel dans le cerveau.
L'implant rétinien se trouve soit à la surface de la rétine (« épi-rétinien »), soit à l’intérieur de la rétine, là où se trouvaient auparavant les photorécepteurs (« sous-rétinien »).
L'implant reçoit un signal venant d'un émetteur infra rouge disposé sur des lunettes à côté d’une mini-caméra. Ce signal stimule les cellules ganglionnaires et produit une image dans le cerveau du patient. Un ordinateur de poche de la taille d'un smartphone, traite les images prises par la caméra et transfère le signal à l'émetteur. Après l'opération, le patient suit un programme de rééducation qui apprend à son cerveau à interpréter les signaux émis par l’implant.
Pixium et ses concurrents
En fait, il y a urgence pour Pixium car deux concurrents : Retina Implant AG et Second Sight ont pris une avance considérable, avec des implants certifiés CE, des résultats cliniques largement prouvés et des implants de plus haute résolution que l'IRIS. De plus Pixium se bat déjà avec eux pour défendre ses brevets ... Tous ces implants sont conçus suivant le même principe avec une caméra recevant et traitant les images qui sont transmises en infra rouge à un circuit implanté sur ou sous la rétine.
Retina Implant AG créée en 2003 par le docteur Eberhart Zrenner a développé des implants sous-rétiniens à partir de 1996, a commencé ses essais cliniques à l'Université de Tuebingen en 2005, a posé son implant Alpha IMS – certifié CE depuis juillet 2013, sur près de 40 patients en Allemagne, Grande Bretagne et à Hong Kong. L'Alpha IMS est un micro circuit de 3x3 mm2 comprenant 1,500 électrodes, qui permet de restaurer une vision partielle de la lumière, de détecter les mouvements, de lire des lettres et d'améliorer la mobilité et la précision dans la vie de tous les jours. Une filiale de Retina Implant créée en 2008, Okuvision a développé un système de stimulation électrique de la rétine – OkuStim, qui permet de stopper sa dégénérescence et qui est actuellement mis en oeuvre dans toute l'Europe.
Second Sight Medical Products fondée en 1998 à Sylmar près de Los Angeles, a elle, obtenu la certification CE en février 2011 et l'homologation au bout de près de 6 ans de tests sur 30 patients, par la FDA américaine en février 2013 pour son implant Argus II. La commercialisation en Europe et aux Etats-Unis a débuté. Plus de 200 millions $ ont été investis dans ce développement sur plus de 20 ans. Second Sight emploie actuellement 85 personnes.
Dès août 2013, les Centers for Medicare & Medicaid Services (CMS) ont autorisé des paiements complémentaires pour l'Argus II ; début 2014, le traitement de 18 patients allemands et de 12 patients italiens avait déjà été remboursé et les premiers patients américains ont été traités par le Centre Eve Kellogg de l'université du Michigan ; en mars 2014, le ministère français de le Santé a sélectionné l'Argus II pour être le premier à être financé par le "Forfait Innovation" récemment créé en France pour faciliter l'accès à des traitements innovants ; jusqu'à 30 patients par an peuvent bénéficier de ce forfait.
L'implant Argus II est placé sur la surface de la rétine. Après une période de rééducation, plusieurs patients parviennent à lire des lettres aussi petites que 0,9 cm à une distance de 30cm.
Pixium va t'elle rattraper ces précurseurs ? Nous lui souhaitons la plus belle réussite. L'introduction en Bourse est une étape importante mais cela va entrainer des contraintes de résultats rapides auxquels les concurrents encore détenus par des investisseurs privés ne sont pas soumis.
Le marché
Dans le prospectus de l'introduction en Bourse de Pixium, il est noté que selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a dans le monde, 285 millions d’individus malvoyants (pouvant avoir une vision faible à modérée, ou présenter une sévère déficience visuelle), dont 36 millions sont complètement aveugles.
90% des déficients visuels se trouvent dans les pays en développement et 65% sont âgés de 50 ans ou plus. Aux Etats-Unis, plus d’un million de personnes sont déclarées juridiquement aveugles.
Second Sight indique que 1,2 millions de personnes seraient atteintes de rétinite pigmentaire dans le monde, dont 200 000 en Europe et 100 000 aux Etats-Unis.
Il reste un très grand chemin à faire, les aveugles pouvant être traités par des implants comme IRIS, Argus II ou Alpha IMS, constituant une infime minorité.